2023.04.28
2023.04.28
Parce que le travail tue et blesse encore
Lettre ouverte de la FTQ, la CSN, la CSQ et la CSD parue dans Le Droit le 28 avril 2023.
Le 28 avril est la Journée internationale de commémoration des travailleuses et des travailleurs morts ou blessés au travail. Une journée funeste qui nous rappelle que le travail emporte et brise encore des vies. En 2022, c’est 216 personnes qui ont perdu la vie en pratiquant leur métier, alors que c’est plus de 164 000 personnes qui ont subi une lésion professionnelle. C’est un peu plus que l’équivalent de la population de la ville de Lévis ou de la municipalité de Sherbrooke. Le secteur de la construction est encore une fois le secteur le plus meurtrier avec 26,4 % des décès alors qu’il représente environ 5 % de la main-d’œuvre.
Bien qu’exorbitants, ces chiffres ne représentent que la pointe de l’iceberg puisqu’ils comptent uniquement les lésions officiellement reconnues par la CNESST. Si on y ajoutait toutes les lésions qui ne sont pas déclarées ou encore celles qui ont été farouchement contestées par des employeurs sans scrupules, les chiffres seraient d’autant plus catastrophiques.
Le portrait est à ce point désastreux parce que les milieux de travail québécois ne sont pas bien protégés. En effet, c’est près de 85 % des travailleurs et des travailleuses qui n’ont pas accès à des mécanismes de prévention adéquats afin de leur permettre de prendre en charge la santé et la sécurité dans leur milieu de travail. Et force est de constater que les modifications apportées par la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (Loi 27) n’ont pas amélioré la situation : le nombre d’heures de libération est pitoyable pour les personnes représentantes en santé et sécurité.
La prévention fonctionne, pourquoi s’en priver?
La prise en charge paritaire de la santé et sécurité du travail (SST) dans les milieux de travail a pourtant démontré son efficacité dans les groupes prioritaires créés par la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) de 1979. Des secteurs industriels typiquement masculins tels que les mines et la foresterie ont alors connu une diminution draconienne des décès. Avant la Loi, c’est en moyenne près de 40 travailleurs par année du secteur des mines qui étaient tués, faute de prévention. Mais depuis l’adoption de la Loi en 1979, le travail de prévention a permis de réduire la moyenne des victimes à 1,5 décès par année. La prévention fonctionne, alors pourquoi ne pas permettre à tous les milieux de travail d’en bénéficier? Au-delà de la résistance des employeurs, rien ne peut expliquer que le gouvernement tarde encore à appliquer à tous les milieux de travail des mécanismes de prévention adéquats. Or, malgré nos demandes répétées, le gouvernement s’entête à limiter les mécanismes de prévention à un niveau insuffisant pour permettre la prise en charge de la SST par les travailleurs et les travailleuses.
C’est ainsi que nous nous retrouvons, année après année, tenant des croix dans toutes les régions du Québec, endeuillés de nos collègues, amis, frères, sœurs, enfants.
Les femmes dans l’angle mort
Les secteurs à prédominance féminine sont particulièrement touchés par les accidents de travail et maladies professionnelles, puisqu’ils n’ont jamais eu accès aux mécanismes de prévention prévus à la LSST de 1979. Cette absence a eu l’effet d’un désavantage historique pour ces secteurs, tels que ceux de la santé et de l’éducation. Notons par ailleurs qu’il y a eu moins de recherche pour connaître les risques présents, et par conséquent, moins de reconnaissance des lésions professionnelles chez les femmes. Elles sont donc restées dans l’angle mort du gouvernement si bien qu’aujourd’hui, les femmes sont les principales victimes d’actes violents au travail.
En ce 28 avril, nous demandons au gouvernement de la CAQ de protéger adéquatement les travailleurs et les travailleuses du Québec en maintenant les mécanismes de prévention des groupes prioritaires et en élargissant leur application à tous les secteurs d’activités afin que tous et toutes puissent travailler dans des conditions qui ne mettent pas à risque leur santé et leur sécurité. C’est par la prévention qu’on sauve des vies!
Signataires
Magali Picard, présidente de la FTQ
Caroline Senneville, présidente de la CSN
Éric Gingras, président de la CSQ
Luc Vachon, président de la CSD