2007.11.09
2007.11.09
Les PPP du CHUM et du CUSM : Y’a-t-il une saine concurrence? – Henri Massé, président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
Montréal, le 9 novembre 2007-Les dirigeants du CHUM et du CUSM ont rendu publique récemment la liste des consortiums qui présenteront des soumissions pour conclure des partenariats public-privé afin de construire et d’entretenir les deux grands hôpitaux universitaires de Montréal. De nombreuses questions surgissent à la lecture de ces listes. La plus importante d’entre elles touche au degré de concurrence véritable qui existe entre les différents partenaires de ces consortiums. Certaines des entreprises qui font partie d’un consortium pour le CHUM sont associées à un autre groupe qui fait concurrence aux mêmes entreprises pour le contrat du CUSM.
Comment ne pas craindre le risque de collusion et de partage des marchés dans un tel contexte? Les dirigeants du CHUM et du CUSM avaient pourtant exigé comme condition préalable que les consortiums soient formés de compagnies totalement différentes. On doit par ailleurs s’interroger sur l’éventuel partage des risques dans ces contrats coûteux, compte tenu du comportement de plusieurs des groupes financiers impliqués dans d’autres projets de PPP au Royaume-Uni et ailleurs.
Innisfree, une banque d’investissements anglaise dirigée par un financier sud-africain, est présente dans deux des consortiums en question : un pour le CHUM, un autre pour le CUSM. Obrascon Huarte Lain (OHL), membre du groupe de construction Villa Mir, est une compagnie espagnole spécialisée dans la construction, l’entretien et l’exploitation d’infrastructure en mode PPP. OHL s’est associée à Innisfree pour le contrat du CHUM mais fait partie d’un consortium concurrent pour le contrat du CUSM. Les groupes québécois Pomerleau et Verreault sont associés à Innisfree pour le contrat du CUSM et font partie du consortium concurrent pour celui du CHUM. Il en va de même de NFOE et associés, architectes. Peut-on vraiment croire qu’aucune information stratégique ne circulera d’un consortium à l’autre dans un tel contexte et que ces informations ne seront jamais utiles? Permettez-nous d’avoir le réflexe de douter. Dalkia, une filiale de la multinationale Veolia (l’ancienne Vivendi), est présente dans deux des consortiums, ceux visant la construction du CHUM et de son centre de recherche. Elle y est entre autres associée à Innisfree. Axima, une filiale du groupe transnational Suez, est présente dans un des consortiums qui souhaitent construire le CUSM, plus précisément dans celui qui fait concurrence à Inisfree. Veolia et Suez ont des filiales qui sont sous enquête ou ont été condamnées dans des affaires de partage des marchés en Europe.
Au-delà des apparences troublantes, toute la question du partage de risque reste ouverte. La partie du projet la plus risquée pour le privé, la rénovation de l’hôpital Saint-Luc, a déjà été exclue du projet de partenariat public-privé. Quant au reste, tous les spécialistes financiers admettent que le financement privé coûte significativement plus cher que le financement public parce que les entreprises privées présentent un risque plus élevé. Ce risque toutefois, dure le temps de la construction des infrastructures et diminue radicalement ensuite. Le « loyer » du PPP, payé par l’administration de l’hôpital aux nouveau propriétaires des lieux, est calculé en fonction de cette prime de risque. Que se passe-t-il cependant si les membres du consortium décident de refinancer leurs investissements une fois les travaux terminés et obtiennent un taux d’intérêt qui reflète la diminution du risque? Si on se fie à ce qui s’est passé au Royaume-Uni, le « loyer » du PPP demeure le même, ou à peu près, ce qui signifie un profit rehaussé pour les investisseurs, aux dépens des services publics.
Les partenaires financiers des consortiums en lice, Innisfree, John Laing ( propriété de Henderson Equity Partner au Royaume-Uni) et Babcock and Brown (une banque d’investissements australienne) ont toutes trois été pointées du doigt en Grande-Bretagne pour avoir agi de cette façon. Peut-on espérer que l’Agence des partenariats public-privé prévoira une protection contre ces abus dans les contrats qui seront négociés? Beaucoup de questions, donc, qui appellent des réponses claires et surtout transparentes.
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