2002.04.10
2002.04.10
Carte à puce dans la santé – La FTQ demande au gouvernement d’agir prudemment
La FTQ a été entendue le 27 mars aux audiences publiques convoquées par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, sur l’avant-projet de loi concernant l’implantation d’une carte santé à microprocesseur dans tout le Québec. Voici la position soutenue dans le mémoire de la FTQ1 sur la carte à puce.
D’entrée de jeu, la FTQ exprime de sérieuses réserves quant à l’avant-projet de loi, mais aussi de profondes inquiétudes, que nous croyons partagées par plusieurs au Québec. «La plus élémentaire sagesse, la démarche politique la plus sensée, c’est de ne pas précipiter les choses», estime René Roy, secrétaire général et porte-parole de la centrale dans ce dossier.
Des exigences élémentaires
La FTQ est prête à apporter son appui au projet d’implantation d’une nouvelle carte santé, mais pas à n’importe quelle condition. Pour cela, il faudrait, au préalable, comme le prévoyait d’ailleurs un décret gouvernemental, un vaste débat public sur les enjeux sociaux, éthiques et juridiques d’un tel projet. Il faudrait aussi qu’une démonstration concluante et convaincante ait été faite à partir d’expériences pilotes et que toute la documentation pertinente nous soit rendue disponible, pour pouvoir peser les pour et les contre et porter un meilleur jugement.
Selon René Roy, «nous sommes de ceux pour qui l’utilisation sociale des technologies de l’information et des communications constitue une voie incontournable, mais il ne faut pas la dissocier du principal but poursuivi, c’est-à-dire l’amélioration des soins de santé.»
L’amélioration des soins de santé d’abord
Pour la FTQ, deux objectifs doivent être au centre du projet de la carte santé : d’abord faire en sorte que les personnes soient mieux et plus rapidement traitées. Et aussi donner aux professionnels de la santé un meilleur accès à des dossiers de santé les plus complets possible, tout en s’assurant de l’autorisation des personnes concernées.
Ce sont ces deux aspects – parce qu’il s’agit de l’amélioration de la qualité des soins – qui motivent au premier chef l’adhésion de la FTQ à l’implantation d’une carte à puce. Nous croyons aussi à la nécessité d’assurer à tout prix la protection et la sécurité des renseignements éventuellement disponibles sur cette carte.
Cependant, l’avant-projet de loi déposé à l’Assemblée nationale le 19 décembre dernier nous apparaît contraire à ces objectifs. Le volet administratif a pris le pas sur le volet clinique : le projet est motivé par la volonté d’améliorer le processus administratif de vérification, de contrôle et de rationalisation, ainsi que par des préoccupations financières, voire de commercialisation de ce système de gestion. L’amélioration des soins de santé, objectif premier, est devenue accessoire.
Selon l’avant-projet de loi, le résumé des renseignements de santé est devenu hypothétique. Il devait pourtant être au centre de la réforme dans le but de faciliter le transfert d’information entre professionnels de la santé et de favoriser de meilleurs soins. Comme toute personne pourra soit refuser, soit accepter d’y voir inscrit tel ou tel renseignement, quel professionnel de la santé sera intéressé à engager sa pratique et ses responsabilités sur la base d’un résumé virtuellement partiel et incomplet ?
Les questions foisonnent
« La FTQ se questionne aussi sur l’empressement avec lequel le ministère de la Santé, de concert avec la Régie de l’assurance-maladie du Québec, entend procéder pour l’implantation d’un projet d’une ampleur sans précédent, indique René Roy. Si nous devions nous prononcer éventuellement en faveur d’un tel projet, nous le ferions seulement en favorisant l’implantation graduelle et prudente, à partir, par exemple, d’une expérience pilote qui aurait pu faire ses preuves graduellement, qu’on aurait pu ajuster, corriger et parfaire au fil du temps.»
Et une quantité de questions restent sans réponse au chapitre de l’éthique, de la confidentialité et de la sécurité des informations : l’informatisation de l’ensemble des établissements et la compatibilité des systèmes; l’assurance de règles strictes de sécurité et de confidentialité; la centralisation d’une immense banque de données incomplètes; le nombre excessif d’intervenants habilités à accéder aux renseignements; la capacité de toutes les personnes au Québec de faire un choix délibéré et éclairé; les croisements possibles entre dossiers de CSST, dossiers d’employeurs et dossiers de médecins traitants; la convoitise des employeurs et des assureurs privés sur la banque de données, etc.
NOS RECOMMANDATIONSLoin d’être convaincue de l’urgence d’agir, la FTQ suggère ces quelques recommandations qui relèvent du gros bon sens. Nous demandons :
1- Un moratoire sur l’introduction de la carte à microprocesseur. Il n’y a pas urgence et notre vieille carte-soleil n’en est pas à son dernier crépuscule.
2- Un large débat public, d’abord à cause des multiples aspects, sociaux, éthiques et juridiques, que soulève la question puis, pour mieux cerner la ou les finalités du projet. Il faut pouvoir discuter non seulement du côté administratif ou technologique de la chose, mais également de son rôle dans l’amélioration de la qualité des soins dans le réseau de la santé et des services sociaux.
3- Un examen de la confidentialité : il faut absolument revenir sur toute la question de la confidentialité des informations ainsi recueillies ainsi que de la qualification de ceux et celles qui pourront y avoir accès. Il n’y a pas de place pour la moindre négligence à ce chapitre. Le prix en serait trop élevé. C’est inquiétant de constater que de nombreuses personnes pourraient avoir accès à des informations pouvant être convoitées à d’autres fins.
4- Une consultation transparente : nous devrions avoir accès à toute la documentation requise (avis juridiques, bilan des expériences à l’extérieur du Québec, et autres…) ainsi qu’aux projets de règlements capables de clarifier le fonctionnement quotidien d’un système de cette nature.
À la FTQ, nous sommes convaincus que de façon pausée et méthodique, il est possible de rencontrer l’objectif d’offrir aux Québécois et Québécoises un réseau de la santé et des services sociaux de grande qualité et de haute performance avec, éventuellement, une espèce de nouvelle « castonguette » du XXIe siècle.