2016.10.15
2016.10.15
Augmenter le salaire minimum à 15$ : oui!
Lettre d’opinion de Daniel Boyer, président de la FTQ, parue dans La Presse+ le 15 octobre 2016.
En lançant publiquement le débat sur le salaire minimum, nous étions profondément convaincus de deux choses. D’abord, il est inconcevable qu’en 2016, des hommes et des femmes travaillant à temps plein n’arrivent pas à se sortir de la pauvreté. Ensuite, nous jugions qu’il était grand temps de susciter un réel débat, le plus large possible, sur le rattrapage salarial nécessaire pour permettre aux bas salariés de sortir la tête de l’eau.
Bonne nouvelle: le débat est lancé! Les associations patronales reconnaissent du bout des lèvres qu’il y a un problème. Mais elles prétendent que ce n’est pas la meilleure façon d’améliorer le niveau de vie des bas salariés. Elles pointent plutôt les programmes sociaux et la fiscalité. Elles proposent, notamment, de hausser le seuil d’exemption personnelle de base. Voilà qui est étonnant: ce débat les place dans le rôle des demandeurs de programmes sociaux et de subventions indirectes! Non, vraiment, il ne faut pas que l’ensemble des contribuables se trouve à compenser les mauvaises politiques salariales des entreprises.
Rappelons qu’en dollars constants, le salaire minimum de 2016 équivaut à celui de la fin des années 1970. Pourquoi est-ce une injustice ? Parce que durant la même période, la richesse collective de notre société a plus que doublé (PIB en dollars constants).
Évidemment, passer de 10,75 à 15 $l’heure représente une importante hausse de 40%, mais c’est un rattrapage nécessaire que nous proposons d’étaler sur quelques années pour en amoindrir l’impact sur les plus petits employeurs.
Parlant de hausse salariale, depuis la fin des années 1990, le revenu moyen des Canadiens et Canadiennes a augmenté d’environ 8%, tandis que celui des grands chefs d’entreprise faisait un bond spectaculaire de 89%. Qui s’en inquiète à la FCEI? Ces salaires indécents ont pourtant un impact négatif sur toute la chaîne de valeur des produits et services.
Le Québec a connu un rattrapage salarial important pour les bas salariés: il y a eu trois hausses successives du salaire minimum de 0,50$ en 2008, 2009 et 2010. À l’époque, le lobby des employeurs a entonné le refrain de la catastrophe économique et des pertes d’emplois. Pourtant, selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), rien de tel ne s’est produit: pas de vague de pertes d’emplois ni de pertes de nombre d’heures travaillées. Rien de tel non plus dans les villes et États américains qui ont adopté d’importantes hausses du salaire minimum.
Augmenter le salaire minimum aura un impact positif sur la demande dans nos économies locales et régionales. Chaque dollar de hausse est rapidement mis en circulation dans nos épiceries et nos services: où voulez-vous qu’une personne au salaire minimum dépense son argent? Certainement pas dans des placements à la Barbade…
Cette lutte, rappelons-le, a d’abord une visée sociale parce que des avancées dans ce domaine contribueront à rehausser le pouvoir d’achat et la qualité de vie des moins fortunés. Elle est actuellement menée par plusieurs groupes au Québec, parce qu’ici comme ailleurs, les inégalités persistent et hausser le salaire minimum à 15$ est un moyen efficace et réaliste de lutter contre celles-ci.
Nous invitons d’ailleurs la population à venir en grand nombre à la manifestation d’aujourd’hui à Montréal afin d’appuyer la lutte.