2000.11.16

2000.11.16

Sous-traitance civilisée ou appauvrissement généralisé ?

C’est en ces termes que se pose le véritable débat autour de la volonté du gouvernement Charest d’amender l’article 45 du Code du travail encadrant la sous-traitance en cas de cession partielle ou totale des activités d’une entreprise ou d’une administration publique. Le gouvernement tente quant à lui d’entretenir un faux débat entre tenants de la sous-traitance et opposants à la sous-traitance.

La FTQ n’est certes pas contre la sous-traitance, représentant elle-même quelque 175 000 salariés de sous-traitants. Mais la FTQ est contre la sous-traitance laissée à elle-même, sans encadrement prévoyant des conditions de travail décentes. La FTQ est contre la sous-traitance source d’appauvrissement généralisé des travailleuses et des travailleurs.

Le fiasco de la sous-traitance
Les exemples de fiascos dans les expériences de sous-traitance de services publics ne manquent pas. Qu’on regarde chez nos voisins ontariens qui subissent les conséquences de la privatisation des services électriques. Plus près de chez nous, la sous-traitance dans les services connexes dans le secteur de la santé comme les buanderies à l’Institut Philippe-Pinel qui ont été ramenées au public parce que trop coûteuses. Pour la même raison, la sous-traitance de la collecte des ordures ménagères à Montréal a été récupéré jusqu’ici à 50 % en régie publique. De même à Québec, dans le cadre de la fusion, tous les travaux de réfrigération des arénas et l’éclairage des parcs ont également été récupérés à l’intérieur des services municipaux.

Le recours aux agences privées: plus de mal que de bien!

Les syndicats de la FTQ se sont toujours opposés au recours aux agences dans le secteur de la santé et des services sociaux. Malgré nos arguments prouvant que cette pratique aurait des impacts majeurs tant sur la qualité des services que sur la qualité des emplois, les employeurs y ont tout de même eu recours. Ils pensaient alors épargner.

Dans plusieurs établissements de santé, on se rend compte aujourd’hui que le recours aux agences est coûteux. Pour ne prendre qu’un exemple, une infirmière auxiliaire du secteur public gagne en moyenne 18,48 $ l’heure plus l’équivalent de 5,91 $ en avantages sociaux. Une agence privée chargera à l’établissement 47,30 $ l’heure, soit 94 % de plus ! L’infirmière auxiliaire n’en recevra qu’une part infime, beaucoup moins que sa collègue du secteur public.

Au-delà des coûts, le recours aux agences est une faillite sur le plan de la distribution des services. Le personnel des agences, même fort compétent, n’arrive pas à prodiguer les soins adéquatement parce qu’il ne connaît pas les bénéficiaires, leur environnement, les pratiques et la routine quotidienne de l’établissement. Dans un tel contexte, on imagine facilement le temps requis pour que la personne qui provient d’une agence puisse être fonctionnelle.

La réalité nous démontre que cette situation a un impact majeur sur la tâche du personnel en place qui est déjà surchargé et, par conséquent, sur la qualité des services. Dans les centres d’hébergement de soins de longues durées, la présence de nouvelles personnes qui débarquent à tout bout de champ, crée, en plus, beaucoup d’insécurité et d’inquiétude dans la vie des personnes qui y séjournent.

Le recours aux agences privées est à ce point inadapté au secteur de la santé et des services sociaux que des employeurs préfèrent rappeler le personnel en place en temps supplémentaire plutôt que d’y recourir. Alors que ceux-là ont maintenant compris, plusieurs autres sont aux prises avec des problèmes de manque de personnel et n’ont plus le choix que d’y faire appel avec tous les impacts négatifs que cela engendre. À ces derniers, notre message est le suivant: rendez le système public plus attrayant, cessez de dire aux personnes salariées qu’elles vous coûtent cher, donnez-leur de la stabilité, reconnaissez la valeur de leur travail et le problème de la pénurie se règlera !

Chez Bombardier : Perdre la moitié de son salaire du jour au lendemain

Les quelque 70 travailleuses et travailleurs des cafétérias de Bombardier ont vu leur employeur donner en sous-traitance leurs emplois à une firme américaine, Aramark. Avec la protection de l’article 45, ils ont pu conserver leurs conditions de travail jusqu’à la décision de leur nouvel employeur de décréter un lock-out. Leurs salaires passaient alors de quelque 19 $ de l’heure à moins de 8 $ de l’heure. Dans le contexte législatif actuel, ils ont pu déclencher la grève pour réclamer le maintien de conditions de travail décentes. Sans la protection de l’article 45, ils n’auraient même pas pu exercer ce recours, étant réduits à subir une baisse généralisée de leurs conditions de travail, un appauvrissement général et la perte de tous leurs droits !

Construction : où mène la déréglementation

En 1994, le Parti libéral du Québec, alors au pouvoir, imposait la désyndicalisation des activités de construction dans le secteur résidentiel. Prétextant qu’il fallait permettre aux Québécois un meilleur accès à la propriété, les politiciens d’alors avaient invoqué la syndicalisation comme l’un des obstacles au développement économique de ce secteur. Nous comprenons que les Libéraux d’aujourd’hui veulent reprendre le travail là où ils l’avaient laissé.

La froide réalité démontre que la désyndicalisation des travailleurs de la construction n’aura servi qu’à engendrer des drames humains, en même temps que le coût des maisons continuait à progresser. Sans compter un salaire horaire réduit de moitié, la perte des bénéfices d’assurance-salaire, d’assurance-médicament et d’assurance-maladie et la perte des fonds de pension, certains auront perdu leur famille et d’autres, la vie. L’exclusion en aura mené plus d’un à poser des gestes irréparables et malgré le rétablissement de la situation en 1996, on n’aura pu procéder à réparer les brisures profondes qu’ont connues ces hommes et ces femmes et leurs lourdes répercussions sur leur famille.

Collectivement, le retrait des contrôles et la démission de l’État dans le secteur de la construction résidentielle auront aussi eu pour effet d’engendrer des pertes se chiffrant à plusieurs millions de dollars pour le trésor public. Car rapidement, le secteur résidentiel s’est converti en travail au noir caractérisé.

Posons-nous alors la question : si le prix des maisons n’a pas pour autant baissé, si les salariés ont vu leur rémunération réduite et si des sommes importantes ont été subtilisées aux caisses de l’État (impôt, Régie des rentes, Régie de l’assurance-maladie, Assurance-emploi, etc.), où est passé l’argent ? Cet argent dont nous avons tellement besoin pour assurer nos besoins en matière de santé, d’éducation et d’autres programmes sociaux, ne serait-il tout simplement pas passé entre les mains de ceux qui en ont le moins besoin, à savoir les spéculateurs, les promoteurs et les investisseurs du secteur privé ?

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