La violence conjugale et familiale

La violence conjugale et les milieux de travail

Nous savons que la violence conjugale est un problème dans la sphère domestique où elle affecte non seulement la femme, mais aussi les enfants lorsqu’ils sont présents. C’est un véritable problème de société qui s’immisce dans tous les milieux. Croire que la violence conjugale s’arrête au seuil du domicile privé est une erreur.

La barrière entre la vie personnelle et la vie professionnelle est artificielle; dans la majorité des cas, les victimes sont affectées par la violence conjugale même lorsqu’elles sont au travail.

Dès 1993, dans une étude exploratoire menée auprès des syndicats affiliés à la FTQ, la centrale constate les incidences de la violence conjugale au travail*. Plus de 20 ans après l’enquête du Congrès du travail du Canada (CTC) et de l’Université de Western Ontario** à laquelle a participé la FTQ, ce constat est validé et enrichi par des données troublantes.

D’après cette étude, une personne employée sur trois (33,6 %) a été victime de violence conjugale. Plus de la moitié de ces personnes (53,5%) indiquent que la violence conjugale a continué sur leur lieu de travail selon les manières suivantes :

  • Subir du harcèlement par téléphone ou message texte (40,6 %);
  • Subir du harcèlement par courriel (15,6 %);
  • Se faire suivre ou harceler sur son lieu de travail (20,5 %);
  • Communiquer avec les collègues ou l’employeur de la victime (14,5 %);
  • S’introduire sur le lieu de travail de la victime (18,2 %).

* FÉDÉRATION DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DU QUÉBEC (FTQ), La violence conjugale et ses conséquences – voyons-y ! Étude exploratoire sur les conséquences en milieu de travail de la violence conjugale, 1993, 68 p.

** WATHEN, C. Nadine, Jennifer C.D MACGREGOR, et Barbara J. MACQUAR­RIE, et le CONGRÈS DU TRAVAIL DU CANADA, Peut-on être en sécurité au travail quand on ne l’est pas à la maison? Premières conclusions d’une enquête panca­nadienne sur la violence conjugale et le milieu de travail, « Center for Research & Education on violence Against Women and Children » [En ligne] [documents. clc-ctc.ca/whr/Survey-Report-2014-FR.pdf], p 6.

Il est à noter que 81,9 % des victimes déclarent que la violence conjugale nuit à leur rendement professionnel. Cette enquête a, en effet, permis d’établir que la violence conjugale diminue le rendement au travail des victimes et peut se traduire par d’importantes difficultés de concentration, des retards ou absences prolongées ainsi que des tensions dans leur milieu de travail. L’enquête conclut d’ailleurs que 8,5 % des victimes de violence conjugale déclarent avoir perdu leur emploi en raison de cette violence*.

Ainsi, la violence conjugale met non seulement à risque leur sécurité, mais elle peut aussi compromettre leur emploi, ce qui est particulièrement dramatique quand on pense à l’importance du milieu de travail, comme espace de répit, et au rôle déterminant de la sécurité financière pour sortir de l’isolement et de la violence. De plus, la violence conjugale a non seulement des effets dévastateurs sur la vie des travailleuses et travailleurs qui la subissent, mais elle peut aussi être ressentie par l’ensemble du réseau de la victime (la famille, les amis, les collègues, etc.). Les répercussions sur le milieu de travail peuvent affecter autant les collègues que l’employeur. L’enquête du CTC a mis en lumière que dans 37,1 % des cas, les victimes considèrent que la violence conjugale a également des impacts sur leurs collègues**. Ces répercussions surviennent notamment lorsque l’agresseur se présente sur les lieux de travail, ce qui peut affecter le climat et la productivité de l’équipe. De plus, dans les circonstances où l’agresseur se présente sur les lieux de travail, les risques pour la sécurité des collègues sont évidents. Dans 3,4 % des cas, des collègues ont été blessés ou menacés sur leur lieu de travail***. Cependant, il ne faut pas sous-estimer les autres impacts qui peuvent être vécus par ces personnes, soit parce qu’elles sont des témoins directs ou indirects, soit parce que le climat et la charge de travail changent de manière importante.


* WATHEN, C. Nadine, Jennifer C.D MACGREGOR, et Barbara J. MACQUAR­RIE, et le CONGRÈS DU TRAVAIL DU CANADA, Peut-on être en sécurité au travail quand on ne l’est pas à la maison? Premières conclusions d’une enquête panca­nadienne sur la violence conjugale et le milieu de travail, « Center for Research & Education on violence Against Women and Children » [En ligne] [documents. clc-ctc.ca/whr/Survey-Report-2014-FR.pdf], p 6.

** Ibid., p. 6.

*** Ibid., p. 7.

Il est donc clair que les répercussions de la violence conjugale et familiale se font sentir dans le cadre du travail et affectent la santé physique et psychologique des personnes qui en sont victimes. Pour les protéger, la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) prévoit une nouvelle obligation envers les employeurs, qui doivent dorénavant « prendre les mesures pour assurer la protection du travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. »

Cette nouvelle obligation de l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) est en vigueur depuis le 6 octobre 2021. En tant que syndicalistes, nous devons nous assurer que les employeurs remplissent bien cette nouvelle obligation, et que toutes les personnes sont adéquatement protégées sur leurs lieux du travail.

Le comité de santé et de sécurité doit être proactif et s’assurer que le programme de prévention inclut l’analyse des risques liés à la violence conjugale et familiale, ainsi qu’un plan d’action adapté pour les personnes victimes à afin de les protéger adéquatement. De plus, la personne représentante à la santé et sécurité doit être formée et capable d’intervenir adéquatement dans les cas où une personne est victime de violence conjugale ou familiale.

Plusieurs autres gestes peuvent aussi être posés pour lutter contre la violence conjugale. Les prises de position claire et les messages univoques dans les milieux de travail et l’espace public en général contribuent à rendre socialement inacceptable la violence conjugale et permettent de réaffirmer notre volonté à continuer de promouvoir des rapports égalitaires entre les hommes et les femmes. En reconnaissant la violence conjugale comme une problématique qui concerne aussi le milieu de travail, en s’assurant que les employeurs respectent leurs obligations, et en posant des gestes concrets pour soutenir les victimes, les syndicats et les sections locales contribuent à établir un milieu plus sécuritaire pour les victimes.

La personne représentante en santé et sécurité (RSS) peut aussi travailler de pair avec une personne déléguée sociale. Ce réseau d’entraide syndical peut être d’une aide inestimable dans votre milieu de travail. Le délégué social ou la déléguée sociale pourra notamment agir comme personne-ressource pour la victime de violence conjugale et l’aider à dépasser l’isolement et le silence, alors que la personne RSS pourra s’assurer que le milieu de travail demeure un lieu de répits sans risque.

Le programme de prévention

Le programme de prévention doit inclure l’identification et l’analyse des risques liés à la violence conjugale et familiale, ainsi que les mesures et les actions permettant d’éliminer les risques identifiés. Il doit également tenir compte des recommandations du comité de santé et de sécurité, ainsi que les programmes de formation et d’information. En matière de prévention et d’élimination des risques liés à la violence conjugale et familiale, le programme de prévention devrait inclure :

  • La violence conjugale comme un type de violence au travail comportant des risques pour la personne au travail et demandant du soutien et des services précis;
  • Prévoir l’engagement de l’employeur à travailler conjointement avec le comité de santé et sécurité et la personne représentante en santé et sécurité pour la prévention de ce type de violence;
  • Une politique sur la violence conjugale portant sur la prévention et le traitement des cas de cette violence — incluant notamment des procédures formelles d’évaluation des risques, des suivis des évènements ainsi que des mesures de formation;
  • Des dispositions d’accommodement et de réduction des facteurs de risques (modification de l’horaire, de la charge de travail, des outils de travail, réorganisation de l’aire de travail pour assurer la sécurité de la victime, transferts de service, modification du répertoire de l’entreprise, avance sur la paie, etc.).

Si l’employeur demande qu’une preuve écrite lui soit transmise avant de reconnaître les droits d’un ou d’une membre, pensez à inscrire le personnel des centres d’accueil d’urgence ou de tout autre organisme ou ressource communautaires parmi la liste du personnel reconnu. Il est important de ne pas ajouter une charge supplémentaire aux victimes. Rappelez-vous aussi qu’en faisant de la violence conjugale un élément important de la prévention, vous envoyez un message clair d’appui aux travailleuses et travailleurs qui y sont victimes et leur indiquez que, sur leur lieu de travail, leur problème sera pris au sérieux et qu’il est possible d’obtenir de l’aide.

Finalement, si l’employeur refuse d’inclure la violence conjugale et familiale dans l’identification et l’analyse des risques, de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect de son obligation prévu à l’article 51 de la LSST, n’hésitez pas à communiquer avec la CNESST.

Grâce à la négociation collective, les syndicats ont un outil puissant pour obtenir du soutien et des politiques en milieu de travail et imposer aux employeurs l’obligation de répondre de leurs actes. En négociant des clauses de convention collective sur la violence conjugale, les syndicats envoient également un message clair : la violence conjugale ne sera pas tolérée. De cette façon, les travailleuses seront donc, peut-être, plus à l’aise de signaler leur situation afin d’obtenir l’aide dont elles ont besoin. La négociation collective est un outil très intéressant pour soutenir les victimes en milieu de travail. Vous pourriez notamment:

  • Décrire la responsabilité de l’employeur en matière de santé et de sécurité, notamment en ce qui concerne la violence conjugale;
  • Négocier des congés spécifiques payés en gardant en tête que les modifications récentes à la Loi sur les normes du travail (LNT) accordent deux jours avec solde. Ces congés payés spéciaux pouvant être pris sans épuiser les autres banques de congés payés;
  • Négocier des congés sans solde;
  • Négocier des libérations syndicales pour les personnes de soutien désignées (représentante ou représentant en santé-sécurité, intervenant ou intervenante auprès des femmes);
  • Négocier une clause de confidentialité qui assure que tous les cas de violence conjugale seront traités confidentiellement et conformément aux lois en vigueur, sans qu’aucune information soit conservée au dossier sans l’autorisation écrite de la victime;
  • Négocier des dispositions qui protègent les victimes de sanctions disciplinaires pour des comportements liés à la violence conjugale (absentéisme, diminution de la productivité, retard, etc.);

Outre le programme de prévention et la négociation collective, les syndicats peuvent avoir un impact important en travaillant à la sensibilisation et à la diffusion de l’information, autant auprès des membres, des victimes et des agresseurs que de l’employeur. En informant et en sensibilisant l’ensemble des membres, vous les aidez à réaliser que la violence conjugale est un problème sérieux qui nous concerne toutes et tous. S’il est reconnu que les témoins de conduites violentes — qu’il s’agisse de collègues, de déléguées syndicales ou de délégués syndicaux, de représentants SST, etc. — ont un rôle déterminant à jouer, il est aussi reconnu que ces personnes doivent comprendre la problématique et avoir accès à l’information dont elles auront besoin pour accompagner et référer les personnes victimes de violence conjugale.

De plus, les actions de sensibilisation et de formation contribuent à diminuer le risque de violence conjugale et à briser le cycle de la violence lorsqu’il survient. Elles permettent aussi de prévenir la stigmatisation, de lever les préjugés tout en renforçant l’idée que la violence conjugale n’est jamais acceptable. La présence de formation et d’information sur ce sujet doit être prévue et discuter au comité de santé et sécurité. Cette dernière doit viser autant les gestionnaires, les personnes qui siègent au comité de santé et de sécurité, la personne représentante en santé et sécurité ainsi que tous les travailleurs et les travailleuses. Les ressources communautaires en violence conjugale de votre région pourraient vous accompagner dans cette démarche.

Vous pourriez notamment :

  • Faire connaître la politique concernant la violence conjugale en milieu de travail, s’il y a lieu, ou les articles prévus dans le programme de prévention;
  • Former des personnes identifiées pour accompagner les personnes qui subissent de la violence conjugale et familiale dans leurs démarches et assurer un milieu de travail sain et sécuritaire;
  • Informer l’ensemble des travailleuses et des travailleurs sur ce qu’est la violence conjugale et familiale et les impacts dans le milieu de travail;
  • Aborder la problématique de la violence entre partenaires intimes que ce soit lors d’une activité spéciale, au cours d’une assemblée ou dans vos communications avec les membres. Créez l’occasion et donnez l’opportunité aux gens d’y réfléchir et d’en débattre;
  • Offrir des renseignements autant aux victimes qu’aux agresseurs sur les ressources disponibles;
  • Soutenir les initiatives communautaires dans votre milieu et faire connaître leur travail à vos membres;
  • Former les directions syndicales et les personnes déléguées syndicales afin de leur permettre de reconnaître les signes de violence conjugale et de mettre en place les actions appropriées pour y répondre;
  • Le service Éducation de la FTQ a développé un cours sur la violence conjugale, veuillez contacter votre syndicat ou représentant syndical pour plus d’information;
  • Avoir une liste à jour des ressources (lignes d’entraide, maisons d’hébergement et de transition) facilement accessible au bureau syndical;
  • Afficher sur le babillard syndical et/ou sur votre site internet une liste à jour des lignes d’entraide et des ressources communautaires disponibles pour les victimes, etc.

Qu’est-ce que?

La violence entre partenaires intimes, ou violence conjugale est une forme de violence qui s’exerce entre deux personnes entretenant une relation intime, peu importe que celle-ci soit vécue dans le cadre du mariage, de la cohabitation, des fréquentations amoureuses ou à la suite d’une rupture.

La violence conjugale peut revêtir plusieurs formes : elle peut être physique, verbale, psychologique, sexuelle ou économique. Au cours de la dernière décennie, la généralisation des nouvelles technologies a modifié certaines manifestations de la violence conjugale; pensons, par exemple, au harcèlement pratiqué aux moyens des réseaux sociaux et des appareils mobiles. La violence conjugale est toujours intentionnelle, c’est-à-dire qu’elle n’est pas le fait d’une perte de contrôle chez l’agresseur, mais plutôt une façon délibérée de dominer la victime et d’affirmer son pouvoir sur elle1. Elle peut toucher tout le monde, sans distinction liée au sexe, à l’identité de genre, à l’âge, à la condition socio-économique, au statut social et aux pratiques culturelles, sociales ou religieuses.

Elle peut s’exercer autant entre personnes conjointes de même sexe qu’entre conjoints de sexe opposé et peut toucher autant les hommes que les femmes. Cependant, dans la grande majorité des cas, la violence est exercée par des hommes sur des femmes. Les personnes dont l’identité est marquée par plusieurs facteurs de marginalisation et de discrimination — pauvreté, ethnicité et couleur de peau, identité et expression de genre, orientation sexuelle et en situation de handicap — ont des obstacles différents à surmonter. Ces personnes vivent dans des contextes de vulnérabilité plus importants et ont souvent une expérience intensifiée de la violence. Ainsi, il est important de garder en tête que les expériences de violence sont multiples. Les victimes ont des besoins différents et nos actions syndicales doivent tenir compte de la multiplicité des parcours de vie.


1. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. Politique d’intervention en matière de violence conjugale : prévenir, dépister, contrer la violence conjugale, 2012 [En ligne] [www.mess.gouv.qc.ca/publications/pdf/SCF_plan_action_violence_conjugale.pdf].

La violence familiale est un terme plus large qui englobe toutes les violences exercées par un membre de la famille sur un autre. Il peut s’agir de violence envers les aînés commise par un membre de la famille, de violence exercée par des parents sur leurs enfants, de violence entre frères et sœurs, de violence exercée par des enfants ou adolescents sur leurs parents, etc. La violence familiale peut prendre différentes formes, notamment de la maltraitance physique, psychologique ou sexuelle, de la négligence ou de l’exploitation financière.

Ressources externes

Caisse des travailleurs et des travailleuses uni-e-s

La Caisse soutient les travailleuses et travailleurs qui vivent de la violence conjugale. Elle a développé un programme spécifique pour soutenir les personnes qui en sont victimes afin de faciliter le retour à une indépendance financière.

Pour toutes questions, contactez la responsable du programme de lutte contre la violence conjugale, Madame Sylvie Mauborgne à l’adresse courriel : Sylvie.mauborgne@desjardins.com

Répertoire de ressources externes spécialisées

Cette ressource offre une ligne téléphonique d’écoute, d’information et de référence destinée aux victimes de violence conjugale, à leurs proches ainsi qu’aux intervenants et intervenantes et les dirige, par la suite, vers les ressources régionales. Accessible 24/7 partout au Québec. Un service de clavardage est également offert.

www.sosviolenceconjugale.ca ou 1 800 363-9010

Ces ressources offrent de l’hébergement aux femmes victimes de violence conjugale accompagnée de leurs enfants et elles offrent également des services pour les femmes qui ont besoin d’aide, mais qui ne sont pas à la recherche d’hébergement. Elles offrent notamment de l’intervention psychosociale et de l’accompagnement dans les diverses démarches aux victimes, qu’elles soient en hébergement ou à l’externe. Accessible 24/7.

www.maisons-femmes.qc.ca et www.fede.qc.ca

Ces ressources offrent aux femmes, avec ou sans enfants, des services spécialisés en violence conjugale post-séparation par le biais de logements transitoires sécuritaires.

www.alliance2e.org

Ces ressources offrent de l’intervention psychosociale et post-traumatique, de l’information sur les droits et recours, de l’assistance technique, de l’accompagnement dans le processus judiciaire et dans les diverses démarches ainsi que de l’orientation vers différents services selon les besoins de la personne. Ces services sont offerts aux victimes et témoins d’actes criminels ainsi qu’à leurs proches, ils sont confidentiels et gratuits.

www.cavac.qc.ca ou sans frais : 1 866 532-2822

Ces centres sont des milieux de vie ouverts à toutes les femmes. À travers des services professionnels, éducatifs, de conseils et d’orientation, les centres de femmes ont pour mission d’aider les femmes à s’aider elles-mêmes. Ils leur offrent la possibilité d’entreprendre une démarche afin d’identifier et de nommer des situations de violence qu’elles subissent, et éventuellement, de développer des stratégies pour se sortir de ces situations.

www.rcentres.qc.ca

Ces ressources viennent en aide aux hommes aux prises avec des comportements violents en contexte conjugal et familial.

www.acoeurdhomme.com