2003.10.07

2003.10.07

Les honneurs pour Isabelle Narayana – Portrait d’une jeune militante

Isabelle Narayana est une militante qui ne se contente pas d’avoir des idées et de les défendre. Elle passe à l’action. Et lorsqu’elle s’implique, c’est pour des causes et des principes, pour faire avancer la société qui a besoin de gens comme elle pour bouger.

Pas surprenant, donc, que cette membre de la section locale 301 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-FTQ), qui milite au sein du comité de l’environnement et du comité du programme d’accès à l’égalité du Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, ait remporté les honneurs du programme Femmes de mérite 2003 de la Fondation Y des femmes.

L’étonnement fut total pour ce petit bout de femme qui tient difficilement en place. Dans la catégorie Services publics, le nom d’Isabelle Narayana côtoyait celui de Vera Danyluk, ancienne présidente de la Communauté urbaine de Montréal, qui était aussi finaliste. Certaines des récipiendaires sont des personnalités bien connues : Janette Bertrand, l’astronaute Julie Payette, la journaliste Marie-José Turcotte ou la médaillée d’or Nathalie Lambert.

Les cols bleus touchés
C’est une amie mécanicienne, Johanne Daly, rencontrée au FRONT (Femmes regroupées en options non traditionnelles) et lauréate en 1999, qui a soumis la candidature d’Isabelle à la Fondation Y des femmes. Cette reconnaissance publique a touché les cols bleus et le syndicat : « J’estime que ce prix revient à toutes celles et tous ceux qui travaillent dans l’ombre, qui luttent sans jamais avoir de reconnaissance. Ces personnes ont plus de mérite que celles qui gagnent des prix. C’est pourquoi je tiens à les remercier. »

Deux métiers plutôt qu’un
Isabelle Narayana exerce deux métiers non traditionnels : jardinière et plombière. Une situation doublement exemplaire dans une société qui, certes, a fait de gros efforts pour soutenir et encourager les femmes à se tailler une place de choix, mais où elles doivent encore « bûcher » plus dur pour être reconnues.
Que fait-elle sur un chantier de construction du centre-ville de Montréal si elle est col bleu ?
« Pour l’instant, je suis en congé sans solde parce que la Ville de Montréal n’a pas de poste d’apprenti-plombier. À ce que je sache, il n’y a qu’une femme dans un métier réglementé à la Ville. Elle travaille comme électricienne ».

Isabelle explique ce qu’elle entend par métier réglementé : « Les métiers de plombier et d’électricien sont régis par des codes particuliers. Il y a une soudeure et des femmes sérigraphes à la Ville. Mais la soudure, par exemple, est définie comme une occupation. Je ne voudrais pas que la venue des femmes dans les métiers non-traditionnels soit un prétexte pour déréglementer les métiers. »

Et lorsqu’elle retourne à la Ville, quel est son boulot ?
« L’été, je suis jardinière. L’hiver, je suis en disponibilité. Je travaille comme éboueuse, ou à l’asphalte, ou au ménage. Mais que je retourne comme col bleu ou dans la construction ou les deux à la fois, le gros de mon travail se fait au niveau syndical. Par exemple, récemment, nous avons surveillé de près les audiences publiques sur les pesticides. J’y ai fait des présentations qui demandent énormément de préparation. »

Contre les pesticides
Comment trouve-t-elle le temps et l’énergie de militer en faveur de l’abolition des pesticides sur l’île de Montréal ? Le projet de règlement municipal relatif à leur utilisation lui tient à cœur. « La population se fait empoisonner à son insu. Par exemple, les taux de cancer infantiles ont augmenté de 25 % au cours des 25 dernières années1. Le règlement qu’étudie la Ville est basé en grande partie sur des documents produits par la Coalition pour des alternatives aux pesticides dont je fais partie. On y sonne l’alarme contre des produits comme le 2,4-D2, qui sont encore utilisés dans les espaces verts. » Le 8 juillet, elle témoignait aux audiences municipales sur la question.

 

Des expériences diverses
Isabelle Narayana a fait maints détours depuis qu’elle a quitté l’université
Franco-Albertaine, elle travaillait l’été comme manœuvre agricole : «J’ai besoin de me dépenser physiquement, j’aime le contact avec la terre.» Après son bac en agronomie, elle entreprend des études de maîtrise en physiologie végétale à l’Université de Montréal. C’est là qu’elle découvre des faits qui la bouleversent. « J’ai commencé à être alarmée quand j’ai réalisé qui finançait la recherche et l’enseignement. J’ai refusé de faire le jeu des transnationales pour travailler à produire des organismes modifiés génétiquement.» Elle termine sa maîtrise en 1990 et quitte la recherche.

C’est alors qu’un jardinier du Jardin botanique lui parle d’un job de col bleu. Elle travaillera donc comme jardinière l’été et comme chargée de cours pour les laboratoires à l’Université de Montréal le reste du temps.

Puis, en 2001, elle réalise un rêve de jeunesse en complétant une formation de plombière. « Quand j’ai fini mon secondaire, je voulais être plombière mais les gens riaient de moi parce que j’étais une femme et qu’en plus j’étais petite. C’est vrai qu’il faut être vraiment prête et savoir comment ça se passe dans un milieu d’hommes. Mai j’ai eu beaucoup de chance car j’ai pu apprivoiser le contact avec les métiers non traditionnels au fil de mes expériences sur la ferme dans l’Ouest, comme pompiste et puis cmme jardinière.»

Au cours des ans, elle a toujours tenté de mettre ses connaissances au service de la population. « Les fonds publics ont aidé à mon éducation. Je me dois d’aider la société en retour.»

Elle termine sur ces mots qui témoignent de son engagement : « L’exploitation des ressources et l’exploitation des êtres humains relève de la même cupidité et du même manque d’éthique. Combattre l’un, c’est combattre l’autre.»

Isabelle travaille comme col bleu ou dans la construction. Parfois, elle fait les deux à la fois.

En 1987, elle passe un mois au Nicaragua, en pleine guerre civile, avec Des fermiers pour la paix, une ONG albertaine. Elle a aussi servi d’interprète pour des groupes de solidarité avec le Chili et le Salvador.

Son passé de chercheure en biologie végétale l’a amenée à comprendre l’action des pesticides et ses dangers pour la santé, particulièrement celle des femmes. C’est ainsi qu’elle travaille auprès d’Action cancer du sein de Montréal. Elle est d’ailleurs soutenue par la Coalition pour des alternatives aux pesticides fondée par la biologiste Edith Smeesters. Ce groupe a amené le gouvernement du Québec à adopter un Code de gestion des pesticides en mars 2003 qui interdit progressivement leur utilisation sur les pelouses des espaces verts publics, commerciaux et privés.


1. Rapport de l’Institut canadien de la santé infantile, 1998.
2 Le 2,4-D est l’agent actif de produits distribués sous des marques de commerce comme Killex, Weedex ou Weedout. On le soupçonne, comme d’autres produits du genre qui sont des « calques d’hormones », d’être à l’origine de l’augmentation de l’asthme, de l’hyperactivité, du cancer du sein, de la prostate et des testicules.

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