2014.04.15

2014.04.15

Les conservateurs persistent dans leur lutte antidémocratique contre le droit à la syndicalisation

Sans que cela fasse grand bruit, les disciples de Stephen Harper ont adopté la semaine dernière le projet de loi C-525 qui s’attaque à la liberté d’association des travailleurs et des travailleuses.

La nouvelle loi imposera la tenue d’un vote secret pour obtenir toute accréditation syndicale relevant du code fédéral de travail.

Ce projet de loi a été dénoncé par tous les experts consultés et bien entendu par les organisations syndicales, partout à travers le pays, dont la FTQ.

Afin de bien comprendre la portée de ce projet de loi — qui doit maintenant obtenir l’aval du Sénat —, la FTQ reproduit des extraits d’un texte publié en mai 2005 dans Le Devoir, sous la plume du juge Louis Morin, une sommité dans le monde des relations de travail. Me Morin a été juge en chef du tribunal du travail et premier président de la Commission des relations du travail. Un texte qui reste toujours aussi pertinent.

Extraits :

« Aujourd’hui, les chartes des droits et libertés garantissent le droit d’association. L’article 3 du Code du travail reconnaît le droit à tout salarié d’appartenir à l’association de salariés de son choix, de participer à sa formation et à ses activités. Il n’en fut pas toujours ainsi et l’histoire démontre que ce ne sont pas les employeurs qui, un beau matin, ont décidé qu’il serait juste et avantageux pour leurs salariés de posséder ce droit.

(…) De toute ma carrière, je n’ai jamais vu d’employeur inciter leurs salariés à se syndiquer. Ce n’est jamais avec indifférence qu’ils voient la chose quand elle arrive et un bon nombre, en plus d’être traumatisés, sont prêts à beaucoup pour ne pas avoir de syndicat dans leur entreprise.

D’ailleurs, toutes les lois concernant le droit de se syndiquer contiennent plusieurs dispositions interdisant à l’employeur d’entraver l’exercice de ce droit. Ce n’est sûrement pas pour la beauté de la chose.

Le système d’accréditation syndicale au Québec

(…) Un seul syndicat à la fois peut représenter les salariés d’un même groupe au sein d’une entreprise. Pour ce faire, le syndicat doit obtenir sa reconnaissance. À certains endroits, l’employeur peut accepter de reconnaître un syndicat. On comprendra qu’il ne le fera que s’il est persuadé que le syndicat a l’adhésion de la majorité de ses salariés. Il n’y a pas dans ce cas de vote.

Au Québec, un syndicat ne peut être reconnu que par l’État. C’est la Commission des relations de travail (CRT) qui est chargée d’accorder cette accréditation. Pour obtenir ce monopole de représentation et avoir seul le droit de négocier les conditions de travail avec l’employeur, le syndicat doit être représentatif, c’est-à-dire qu’il doit avoir comme membres en règle plus de la moitié des salariés visés. Pour le démontrer, il dépose les cartes de membres et la CRT doit s’assurer que ces cartes sont conformes et ont été volontairement signées.

(…) Si tout est correct, la CRT accréditera le syndicat s’il a plus de 50 % de membres. Si des doutes se soulèvent, la CRT peut recourir à un vote. Aux États-Unis et dans d’autres provinces, on a recourt systématiquement au vote.

La force d’une signature

(…) certains soutiennent que le recours au vote est plus démocratique. Pour dire cela, force est de mettre systématiquement en doute la volonté des salariés d’être membres du syndicat même s’ils en ont signé une carte et payé les droits afférents. (…)

Les agents de relations de travail de la CRT ont justement pour rôle de vérifier si les adhésions sont conformes à la volonté des salariés et qu’elles n’ont pas été obtenues sous la contrainte. Lorsque la majorité est imposante, les agents font leur enquête sous forme d’échantillonnage et si tout semble régulier, on conclura que le syndicat est représentatif. Lorsque le pourcentage est moindre, il arrive souvent que l’échantillonnage soit plus important. Il y a même des cas où tous les salariés ont été rencontrés.

Impartialité remise en question

(…) Lorsque je fus nommé président de la CRT et dès que celle-ci a commencé ses activités, j’ai rencontré les agents et ai insisté sur le fait qu’ils n’ont personne à protéger, qu’ils doivent agir avec bonne foi et impartialité. Les agents sont soumis à un code d’éthique et ils ont prêté serment et si cela ne semble pas suffisant, il faut aussi dire que la fraude risquerait d’être facilement découverte puisque les dossiers peuvent se retrouver à terme devant un commissaire, faire l’objet de révision interne, voire même de révision judiciaire devant la Cour supérieure et même devant la Cour d’appel…

Le vote et la démocratie

Il appartient aux salariés de décider s’ils veulent négocier collectivement leurs conditions de travail. Bien sûr, cela affectera l’employeur mais fondamentalement, il n’a rien à dire dans ce choix.

(…) Ce n’est pas par le seul fait qu’il y ait un vote que le tout devient démocratique. L’histoire foisonne de votes antidémocratiques. On n’a qu’à penser aux élections dans les pays totalitaires où les gens qui votent n’ont pas le choix. N’en est-il pas de même lorsque des salariés doivent voter sur la présence ou non du syndicat et que l’employeur se mêle de la partie. Il ne se contentera pas de dire qu’il est contre de la venue d’un syndicat : tout le monde le sait. Il ira donc plus loin et utilisera toute son influence pour faire en sorte que les employés décident de ne pas se syndiquer.

Que se passe-t-il vraiment?

(…) Les moyens utilisés par les employeurs du privé pour obtenir un tel résultat sont en gros la menace de fermeture, le congédiement des pro-syndicalistes, la rencontre individuelle des salariés par des représentants de l’employeur, les réunions obligatoires où les dirigeants de l’entreprise tentent d’infléchir le libre choix des salariés, l’utilisation de vidéos antisyndicales, des changements dans des conditions de travail, des changements dans la façon de diriger l’entreprise que l’on met sur la faute du désir de se syndiquer. (…)

Un éminent professeur de la faculté de droit de Harvard, Paul Weiler, a analysé la façon américaine de procéder par voie de vote et démontré qu’elle comportait plusieurs lacunes et qu’elle n’était sûrement pas signe d’une meilleure garantie de la liberté d’association que la considération des cartes d’adhésion.

(…) En Ontario, la représentativité était basée sur la signature de cartes. En 1996, on introduisit le vote systématique. Or, en novembre dernier, le gouvernement de l’Ontario a déposé un projet de loi réintroduisant la signature de cartes dans le secteur de la construction.

Comme la signature de cartes d’adhésion est souvent sollicitée par des salariés dans l’entreprise, il appartient aux responsables syndicaux de s’assurer que la signature des cartes d’adhésion se fasse sans contrainte. À défaut, les syndicats s’exposent justement au vote. Au surplus, l’expérience démontre que si le syndicat n’a pas l’adhésion d’une bonne majorité de salariés, il ne peut suivre bien longtemps. »

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