Entrevue Fernand Daoust

On dit de Camille Laurin qu’il est le père de la Loi 101. On pourrait dire de Fernand Daoust, secrétaire général de la FTQ à l’époque, qu’il est le père des articles qui touchent la francisation des milieux de travail, tellement son rôle et celui de la FTQ ont été importants. Fernand Daoust a siégé à L’OLF pendant 25 ans.
TF Quel était le climat autour du débat linguistique lorsque le PQ est arrivé au pouvoir en 1976?

FD Il y avait beaucoup d’exacerbation. La Loi 22 adoptée par le gouvernement Bourassa n’allait pas assez loin au goût d’une majorité. Le sujet était chaud parce que les tensions et les manifestations s’étaient succédées les unes après les autres dans les années précédentes. À la FTQ, nous étions des plus sensibilisés; d’abord parce que nous représentions des membres partout dans les grandes entreprises, mais aussi parce que les dirigeants québécois n’avaient pas toujours la vie facile dans leur propre syndicat, canadien ou nord-américain.

La FTQ était membre du Mouvement Québec Français (MQF) et comptait dans ses rangs de nombreux éléments du RIN (Rassemblement pour l’indépendance nationale). Il est d’ailleurs fort instructif de lire la résolution adoptée au congrès de la FTQ en 1969. Elle contient tous les grands principes que l’on retrouve dans la loi 101… presque dix ans plus tard. La FTQ, forte de sa très grande représentativité avait saisi les enjeux qui pointaient à l’horizon.

TF Lors des débats sur le projet de loi, quel rôle a joué la FTQ?

FD Un rôle déterminant! Nous avons été associés aux premières réunions préparatoires. Il n’est pas exagéré de dire que nous sommes les initiateurs des articles qui touchent le français au travail et plus particulièrement les comités de francisation. Le patronat s’y opposait farouchement. Pour nous c’était l’évidence même.

Nous disions, et je pense que le temps nous a donné raison, que c’était le pivot de la politique linguistique. Que vaut une langue qui n’est pas valorisée, qu’on laisse à la porte de l’usine ou du bureau? Le travail, le travail en français, fait partie intégrante de l’épanouis-sement personnel.

TF Quel bilan faites-vous aujourd’hui?

FD Pour la langue d’enseignement, c’est fabuleux, extraordinaire. Pour la langue de travail, il y a eu d’immenses progrès, grâce entre autres à la combativité de certains individus et des syndicats. Mais je suis inquiet pour l’avenir. Je trouve qu’il y a un certain laxisme.

À l’heure de la mondialisation, des nouvelles technologies de l’information, nous devons être plus vigilants que jamais. Ça prend des moyens colossaux pour franciser et intégrer les immigrants. Au cours des 20 dernières années, les budgets et le personnel de l’OLF ont fondu de 40 %. Et que dire des quelque 20 000 entreprises comptant entre 20 et 49 employés qui n’ont pas d’obligation réelle en vertu de la loi?

Il serait grand temps que le gouvernement et l’Office lancent un message clair : au Québec, on travaille en français! Il y a eu des campagnes de valorisation du français, mais jamais aucune qui mettait l’accent sur les milieux de travail.

TF Quelques mots pour résumer ces 25 années à l’Office?

FD Exaltantes et stimulantes à tous points de vue. Je travaillais pour une cause qui me tenait à cœur. Je suis convaincu que le mouvement syndical sera toujours à la hauteur et qu’il ne sombrera pas dans une certaine tiédeur qui pourrait se trans-former en indifférence.

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