Chronique métier
Plus de 600 000 membres, c’est plusieurs milliers de corps d’emplois différents. Des hommes et des femmes qui travaillent dans des usines, des bureaux, des magasins, des entrepôts, des hôpitaux, sur des chantiers de construction, dans les airs, sur mer, les deux pieds sur terre. Dans cette chronique, Le Monde ouvrier vous fait découvrir quelques-uns de ces métiers à travers des rencontres sur le terrain avec leurs artisans.
Métier: Mécanicienne de machinerie fixe
Rien ne prédisposait Nancy Truchon, originaire de Sayabec dans le Bas-Saint-Laurent, à devenir mécanicienne de machinerie fixe à l’usine près de chez elle. Pourtant, cette jeune femme vive et déterminée a su trouver sa voie dans un métier non traditionnel et exigeant.

L’usine Uniboard de Sayabec est spécialisée dans la fabrication de panneaux de bois pour les meubles et la construction. Nancy y travaille depuis plus de vingt ans, assurant la maintenance des systèmes de ventilation, de chauffage, de chaudières à vapeur, et bien plus encore. «Quand j’ai découvert ce métier, je me suis tout de suite sentie sur mon X. Ça fit vraiment avec ma personnalité!» confie-t-elle en riant.
La pulsation de la shop
L’usine fonctionne 24 heures sur 24, 365 jours par année. Chaque journée de travail commence par vider les réservoirs à cendres. «Pour obtenir les températures nécessaires au fonctionnement des machines, on brûle de l’écorce, ce qui crée beaucoup de résidus.», explique-t-elle. Ces cendres s’accumulent et forment une sorte de roche, celles-ci doivent être enlevées pour ne pas affecter les performances des chaudières à vapeur. Nancy est aussi responsable des stations de pompage, des systèmes de feu et du maintien des températures des huiles et de l’eau de l’usine. Une description qui semble simple, mais qui cache une complexité et une tension quotidienne.

Travailler avec le feu
Le métier de Nancy comporte des risques importants et sa principale préoccupation, c’est sa sécurité et celle de ses collègues. Lorsqu’une situation d’urgence survient, l’usine doit être évacuée. « Je suis un peu comme la capitaine. Je suis dans les dernières à sortir! », précise Nancy. Elle exerce un des métiers les plus dangereux de l’usine: «Je travaille avec le feu, avec des convoyeurs, avec de la vapeur sous pression… Le cadenassage est très important. Je n’ai pas le droit d’être dans ma tête. Je dois rester sur mes gardes, même après 21 ans de service! »
Au cours de ces nombreuses années de service, Nancy a vécu plusieurs situations de crise. Les pannes d’électricité sont probablement les plus dangereuses. En cas de défaillance ou de délais lors du démarrage des génératrices d’urgence, elle doit se dépêcher d’éteindre manuellement les feux qui alimentent les chaudières à eau chaude, une opération délicate et dangereuse. Nancy doit sécuriser l’usine pour éviter toutes surpressions qui pourraient occasionner des explosions, ce qui demande une vigilance constante: «La circulation d’eau continue est cruciale. Si les pompes cessent, la chaleur augmentera dangereusement à des endroits du réseau faisant monter la pression anormalement dans les conduits, les valves de sécurité ouvrent, et la vapeur bouillante envahit alors l’usine. Je travaille vraiment avec une bombe.»

Je suis le cœur de l’usine. Toutes les machines ici sont alimentées par mon travail.
– Nancy Truchon

Un leadership affirmé
Par sa rigueur, sa détermination et son sang-froid, Nancy a démontré que les femmes ont leur place dans ce métier traditionnellement masculin. «Je suis bonne dans ce que je fais parce que je suis une femme justement. Quand je suis arrivée ici, il a fallu que je prouve mes compétences dans un environnement principalement masculin. J’ai appris, travaillé dur, et développé mes compétences pour devenir la meilleure. À toutes les femmes qui se lancent dans des métiers non traditionnels, c’est un beau défi! Il faut être capable de s’affirmer et de faire sa place», conclut-elle.
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