2002.07.30
2002.07.30
Présentation de M. Henri Massé, président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), à l’occasion des funérailles de M. Louis Laberge, le 24 juillet 2002
Guidé par son flair proverbial, Louis Laberge a commencé son repos éternel au Complexe funéraire Saint-François d’Assise. Quand on lit la célèbre prière de Saint-François, on est frappé par la similitude du message des deux hommes :
« Là où est la haine, que je mette l’Amour
Là où est la discorde, que je mette l’Union. »
L’Union, un mot qui a habité sa vie. L’Union, celle dont on dit qu’elle fait la force. Celle de la mise en commun, du partage. Celle qui change le monde. C’est avec une volonté de fer, une persévérance à toute épreuve que Louis Laberge a suscité l’union et la cohésion du mouvement syndical.
Saint-François dit encore :
« Là où est la désespoir, que je mette l’Espérance
Là où sont les ténèbres, que je mette la Lumière
Là où est la tristesse, que je mette la Joie. »
C’est dans une joie communicative qu’il a mené ses plus importants combats et traversé les plus grandes épreuves. Son humour toujours vif, s’il était parfois acéré et décapant, était le plus souvent généreux et libérateur de tension. En tout temps, même dans les pire crises, sa chaleur humaine nous réconfortait.
Bien sûr, on est triste de sa disparition. Mais je ne peux m’empêcher de sourire en pensant à l’accueil enthousiaste que Louis recevait partout au Québec. Je suis convaincu qu’une foule de militants et militantes de la FTQ accueille maintenant Louis au paradis. Mais je dois dire que je m’inquiète beaucoup : avec Louis comme nouveau pensionnaire, le bon Dieu risque d’avoir un sérieux problème de partage de leadership…
Louis aimait être entouré de ses amis. Il en retrouvera sûrement une belle tablée là-haut. Des amis qui, comme lui, ont consacré leur vie à rendre notre séjour sur terre moins pénible. Si la nuit vous croyez apercevoir une nouvelle étoile au firmament, dites-vous que c’est Louis qui a gardé sa lumière allumée pour une bonne partie de cartes.
Blague à part, on ne peut parler de Louis Laberge sans évoquer de larges rassemblements d’hommes et de femmes, des regroupements d’énergie, des collectivités en action. Louis était un être viscéralement social. Mais, pour lui, la foule n’était jamais anonyme, c’était une famille. En fait, c’était SA famille. Il en faisait partie, il en était solidaire et il s’appliquait de tout son être à la faire grandir. Sa famille syndicale, il l’a élevée comme un bon père de famille, sans se ménager et en donnant sans compter. Ses plus amères blessures, celles qui le faisaient pleurer, ce furent nos chicanes de famille. Cet amant de l’unité ne pouvait supporter que nous nous divisions. Il nous a patiemment appris à manger ensemble à la même table et à partager notre pain et, bien sûr… notre vin! Si nous sommes grands et forts aujourd’hui, nous te le devons, Louis.
Lorsqu’un grand homme meurt, on a l’habitude de dire qu’une autre page d’histoire est tournée. Je crois que l’expression s’applique mal à Louis Laberge. Il a marqué si profondément notre histoire syndicale et nationale, il nous inspire si fortement qu’il continuera à façonner notre destin. Des grands hommes, on dit qu’ils laissent un « vide » en partant. Pas Louis. Louis nous a remis entre les mains une grande centrale syndicale et plein de ressources pour accomplir notre mission de justice sociale. Il est vrai que, sans les syndicats comme famille, Louis n’aurait pas atteint la stature qu’on admire aujourd’hui. Mais il a su partager ce qu’il recevait. Lui-même nourri par des générations de militants et militantes héroïques, il nous transmet cet héritage décuplé.
Il a mis toute sa fougue, tout son instinct, toute son intelligence et tout son courage à rassembler des hommes et des femmes, à ouvrir avec eux de nouveaux horizons, à les engager à agir et à bâtir. Longtemps nous serons habités et inspirés par sa vision. Longtemps nous serons soutenus par son énergie. Jamais, il ne cessera de nous accompagner.
Pour les travailleurs et les travailleuses des syndicats de la FTQ, Louis a été un père, un frère et un guide. De tout cela, nous le remercions. Et nous nous engageons collectivement à poursuivre l’œuvre riche et généreuse à laquelle il a donné sa vie.
Je termine par ces paroles de Saint-François d’Assise, que Louis Laberge aurait pu lui aussi prononcer humblement :
« C’est en donnant qu’on reçoit
C’est en s’oubliant qu’on trouve
C’est en pardonnant qu’on est pardonné
C’est en mourant qu’on ressuscite à la Vie! »
Henri Massé
Le 24 juillet 2002