2013.10.22

2013.10.22

L’indemnisation des personnes accidentées au Canada : 100 ans déjà!

Article paru dans Le Monde ouvrier, édition septembre-octobre 2013

L’idée de mettre en place un régime d’indemnisation des accidents du travail trouve son origine en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux États-Unis à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. En Allemagne, entre 1884 et 1886, le chancelier Otto Von Bismarck mettait en oeuvre un régime obligatoire d’indemnisation des accidents régi par l’État.

Entre 1908 et 1915, aux États-Unis, plusieurs États adoptaient des lois sur l’indemnisation. Dans l’État de Washington, un régime obligatoire exclusif fondé sur la responsabilité collective était adopté.

À la suite de la parution de cet article, le directeur du service de la santé et de la sécurité au travail de la FTQ, Jean Dussault, a accordé une entrevue à ICI Radio-Canada Première, le 12 octobre 2013, à l’émission Les samedis du monde.

Écouter l’entrevue

William Meredith : un visionnaire

Au Canada, c’est en Ontario que l’indemnisation des accidents du travail a connu ses débuts. En 1910, le juge William Meredith était nommé pour présider une commission royale d’enquête afin d’étudier l’indemnisation des travailleurs. Avocat, homme politique, juge en chef de l’Ontario et éducateur, né le 31 mars 1840 et décédé à Montréal le 21 août 1923, il étudia le droit à l’Université de Toronto et fut reçu au Barreau en 1861. Il s’était porté candidat dans une élection partielle en 1872 et fut élu en tant que député conservateur de London à l’Assemblée législative de l’Ontario.

En 1874, il fut le seul à appuyer une motion pour l’extension du suffrage à tous les hommes de plus de 21 ans et le premier conservateur de l’Ontario à afficher des penchants progressistes. Déposé le 31 octobre 1913, son rapport proposait un compromis : les travailleurs renonçaient à leur droit de poursuivre les employeurs en contrepartie de prestations d’indemnisation.

Les régimes actuels d’indemnisation au pays reposent encore aujourd’hui sur les cinq principes (voir encadré) formulés en 1913. Ces principes ont été adoptés par l’ensemble des tribunaux et ils continuent de guider les différents organismes chargés d’appliquer les lois visant l’indemnisation des personnes accidentées.

On retrouve aussi certaines similitudes dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) avec des énoncés du rapport. À titre d’exemple, citons les dispositions de l’article 27 LATMP :

« Une blessure ou une maladie qui survient uniquement à cause de la négligence grossière et volontaire du travailleur qui en est victime n’est pas une lésion professionnelle, à moins qu’elle entraîne le décès du travailleur ou qu’elle lui cause une atteinte permanente grave à son intégrité physique ou psychique. »

Cet énoncé se retrouve presque intégralement dans les propos du juge. La façon de calculer l’indemnité à verser à la personne accidentée, en tenant compte de sa perte de capacité de gain est aussi clairement expliquée dans le rapport de 1913. Pour Meredith, il était primordial de tenir compte du fait que la personne accidentée pouvait perdre certaines améliorations de son revenu, hausses salariales, opportunités de promotion, etc., parce qu’elle était accidentée.

Il rappelait que les travailleurs, en échange de l’assurance de recevoir une indemnité, renonçaient à la possibilité de poursuivre leur employeur en vertu du Code civil, ce qui s’avérait parfois beaucoup plus rémunérateur. Il est ironique de constater qu’en Ontario, comme dans l’ensemble des provinces canadiennes sauf le Québec, ce n’est pas la perte de capacité de gain qui est indemnisable, mais bien la perte de salaire.

Dans plusieurs cas, il s’agit d’une subtilité qui a des effets importants par rapport aux indemnités. Le parlement ontarien adoptait, le 28 avril 1914, la première loi au Canada visant l’indemnisation des personnes victimes de lésions professionnelles, inspirée par le rapport Meredith. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Jour de deuil à la mémoire des personnes décédées ou blessées par le travail a lieu à cette date.

Cent ans après la publication du rapport, on peut conclure que le juge Meredith était sans aucun doute un visionnaire. Le monde du travail a énormément changé depuis, mais ses observations sont toujours d’actualité et justes. À l’époque, de nombreux opposants à sa réforme comparaient ses propositions avec ce qui existait ailleurs dans le monde. En réponse à ses détracteurs, il répondit simplement :

« La question n’est pas de savoir ce qui s’est fait dans d’autres juridictions, mais plutôt de faire ce que demande la justice. »

« Je suis d’avis qu’une loi qui vise l’indemnisation des personnes victimes de lésions professionnelles devrait rendre impossible pour un employeur fortuné de harceler un travailleur en le contraignant à plaider le bien-fondé de sa réclamation devant un tribunal, s’il l’avait déjà fait avec succès devant une commission spécialisée comme celle que je propose, et qui pourrait être tout aussi compétente qu’une cour de justice pour tirer les conclusions pertinentes, en fait ou en droit. » — (notre traduction)

À ceux qui souhaitaient que les travailleurs paient une partie de la prime, Meredith répondit que seul le travailleur endurera la douleur et la souffrance causées par sa blessure. Si sa blessure entraîne une mutilation ou une défiguration, c’est encore lui qui devra vivre avec ce fardeau, alors que tout ce que l’employeur aura à endurer est le versement de prestations pour la durée de l’invalidité. Le travailleur ne peut pas transférer son fardeau aux autres.

L’employeur quant à lui pourra le faire porter par la collectivité en haussant le prix de ses produits ou services.

Indemnisation sans égard à la responsabilité
Les victimes de lésions professionnelles sont indemnisées sans égard à la responsabilité. Le travailleur et l’employeur renoncent au droit de poursuivre en justice. Il n’y a pas de dispute à propos de la responsabilité d’un accident. La responsabilité n’a pas d’importance et l’indemnisation devient l’objectif.Responsabilité collective
Les employeurs se partagent le coût du régime d’indemnisation. Les employeurs cotisent à un fonds commun. La responsabilité financière devient leur responsabilité collective.

Sécurité du paiement
Un fonds est établi pour garantir que l’argent nécessaire à l’indemnisation sera disponible. Les travailleurs accidentés sont assurés d’une indemnisation et de prestations futures.

Juridiction exclusive
Les demandes d’indemnisation sont adressées uniquement à l’organisme spécialisé. L’organisme décide en dernier ressort de toutes les demandes. Il n’est lié par aucun précédent juridique; il a le pouvoir et l’autorité de juger chaque cas selon ses mérites.

Commission indépendante
L’organisme spécialisé est autonome et apolitique. Il est financièrement indépendant du gouvernement ou de tout groupe d’intérêt. L’administration du régime est axée sur les besoins de ses clients employeurs et travailleurs, dispensant ses services avec efficacité et impartialité.

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