2001.07.27
2001.07.27
La mondialisation
L’histoire nous enseigne que le syndicalisme est venu au monde en riposte directe au capitalisme. Autrement dit, le syndicalisme est le fils non désiré et mal aimé du capitalisme qui est son père malgré lui.
Or, voilà que deux cents ans après avoir engendré les syndicats, le capitalisme quitte maintenant le foyer paternel national. Il part sans son «fils», dans l’espoir de l’éliminer ou de le perdre en route. De familial ou national qu’il était, le capitalisme devient mondial. Il part recruter ailleurs sur la planète, à vil prix, une main-d’œuvre docile et, bien sûr, non-syndiquée. Du coup, comme on l’a vu dans les premières pages de ce document, il met en concurrence directe les travailleuses et travailleurs syndiqués d’ici avec leurs semblables des pays pauvres, mais non-syndiqués et terriblement corvéables.
Et qui donc sont ces entreprises capitalistes à roulettes? Souvent de très grandes entreprises multinationales, de très bonne réputation, d’origine étatsunienne, européenne, canadienne, et même, eh! oui, québécoise. Un exemple: le monde des maquilas.
La triste histoire d’Amanda
Les bâtiments recouverts de métal se déploient sous un ciel de plomb. Rien dans leur apparence ne laisse soupçonner la présence d’êtres humains à l’intérieur. On dirait des entrepôts géants.
A l’intérieur, rien que le bruit des machines. Aucun son humain: pas une voix, pas un rire. Seulement, ça et là, des chuchotements.
De temps en temps, quelqu’un se lève et demande d’aller aux toilettes. Les travailleurs n’ont le droit de le faire qu’une seule fois au cours du poste de dix ou douze heures.
Dès que les femmes sont entrées dans les ‘entrepôts’, les portes sont verrouillées. Personne ne peut quitter, ni avoir de contact avec le monde extérieur.
Parfois, le corps n’en peut plus. La température s’élève, surtout en été, et, même si l’une des femmes tombe malade, elle n’est pas autorisée à partir pour aller chez le médecin.
Dernièrement, Amanda est tombée malade. A mesure que les heures passaient, elle s’est sentie de plus en plus mal, mais on ne lui a pas permis de quitter le travail. Au bout de six heures, elle est tombée morte devant sa machine: elle avait 22 ans.
Poussés par la colère, certains travailleurs tentent de s’organiser. Mais ils sont réprimés tout aussi vite. L’ordre est rétabli, et les surveillants usent de tous les moyens dont ils disposent. Et la fin justifie les moyens: cris, vexations, violence physique.
Si l’on nous demandait, macabre devinette, où ont lieu les scènes décrites ci-dessus, nul doute que la plupart d’entre nous répondraient: dans une prison ou un camp de concentration. Erreur. C’est simplement la façon dont on traite les travailleurs dans les maquilas d’Amérique centrale.
– Témoignage d’ Adriana Rosenvaig, de la Fédération Graphique Internationale, Amérique latine, CISL, 1996
Et des maquilas, ou maquiladoras, qui sont des territoires où les compagnies bénéficient de conditions particulièrement avantageuses et où la main-d’œuvre est quasi sans protection, on en trouve non seulement en Amérique latine, mais aussi dans les pays pauvres d’Asie et d’Afrique. Des pays où, d’ordinaire, le syndicalisme véritable est interdit.
Or, les pays qui interdisent le syndicalisme libre sont, sans exception, des sociétés antidémocratiques et dictatoriales où règne la loi du plus fort. C’est là que l’on retrouve des travailleuses et des travailleurs opprimés, y compris des enfants, beaucoup d’enfants, sans moyen de défense, certains attachés, qui fabriquent, pour des bouchées de pain, des produits qu’ils n’auront jamais les moyens d’acheter et qui sont ensuite exportés et vendus chez nous, pas chers.
Quelle conclusion raisonnable doit-on tirer de ce constat? Que le syndicalisme doit s’étendre. S’étendre au moins autant que le capitalisme lui-même. À l’échelle de la planète. Sinon, on se met à avancer en arrière, à reculer vers le passé: cap sur l’esclavage. Les plus pauvres continueront d’être exploités à l’os et le seront même de plus en plus. «Un paysan philippin doit travailler pendant deux ans pour obtenir ce qu’un avocat newyorkais gagne en une heure .»
La clause sociale
Les grandes organisations de coopération internationale, syndicales et, de manière générale, progressistes, de même que les grandes institutions comme l’Organisation internationale du travail (OIT), réclament la conclusion d’ententes intergouvernementales pour mettre fin à cette exploitation éhontée. Elles veulent aussi établir des liens de solidarité entre les organisations syndicales et entre les hommes et les femmes, travailleuses et travailleurs de tous les pays du monde. Ces ententes, vainement réclamées depuis plusieurs années maintenant, visent à assurer «le respect des droits fondamentaux des travailleurs, et (à) prévenir la répression, l’exploitation et la discrimination» .
Ces réclamations, qui composent la clause sociale destinée à être mise en application dans tous les pays, sont au nombre de sept:
- droit de s’associer;
- droit de former un syndicat et de mandater des représentants;
- droit de négocier;
- abolition du travail forcé;
- interdiction de la discrimination dans l’emploi;
- salaire égal pour travail à valeur égale;
- limitation du travail des enfants.
Il est tristement révélateur que plusieurs pays, malgré la mauvaise réputation internationale qui en découle, ne veuillent toujours pas renoncer officiellement au travail forcé, au travail des enfants, à la discrimination et à la négation du droit d’association. Cela indique clairement que les gouvernements de ces pays sont soumis au chantage exercé par les entreprises qui menacent de déménager si elles se voient refuser le droit d’y exploiter sans vergogne les plus pauvres.
Qui niera qu’il y ait, à cet égard, un noble et juste combat à mener sans merci?
Tiré de La vraie vie
ce que tout jeune devrait savoir
sur le monde du travail
et qu’on ne lui dit pas!
Crédits:
Chargés de projet: Luc Allaire et Guy Brouillette
Rédacteur principal: Jacques Keable
Collaborations: Louis Fournier, France Laurendeau, Michel Blondin, Nicole De Sève, Jean Martin, Christian Payeur, Jean-Claude Tardif et Pierre Tellier.