Les décrets de convention collective : un levier d’action syndicale

Les décrets de convention collective, c’est quoi?

La Loi sur les décrets de convention collective (LDCC) est la première législation québécoise générale en matière de relations de travail. Adoptée en 1934, elle précède la création du Code du travail et de la Loi sur les normes du travail (LNT). Elle vise essentiellement à protéger les personnes salariées, via un décret dit de convention collective, d’une concurrence déloyale fondée sur les salaires et autres conditions de travail. Plus précisément, un décret établit des normes minimales de travail dans une région et un secteur donné qui surpassent celles prévues à la LNT.

La Loi sur les décrets de convention collective a été adoptée en 1934 par le gouvernement libéral de Louis-Alexandre Taschereau sous le nom de Loi de l’extension juridique des conventions collectives. Première loi générale en matière de travail, elle précède la Loi sur les relations ouvrières adoptée en 1944, l’ancêtre du Code du travail (1964), et la Loi sur les normes du travail (1979).

C’est à la demande de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), l’ancêtre de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) que la Loi est adoptée. Elle a alors pour but de promouvoir le syndicalisme et d’améliorer les conditions de travail misérables des ouvriers. Ceux-ci sont infligés par l’échec du capitalisme durant la crise économique des années 1930. Pendant cette période, le taux de chômage bondit au Québec passant de 7,5% en 1929 à 30% en 19331. C’est plus de 230 000 travailleurs qui sont touchés par les pertes d’emplois. Simultanément, dans le même intervalle, le revenu moyen par habitant diminue d’environ 44%.

La Loi de l’extension juridique des conventions collectives cherche à mettre un frein à cette chute des conditions salariales en permettant, par décret, d’étendre à tout un secteur d’activité, dans une région donnée, les conditions de travail négociées par un syndicat. Autre particularité, la Loi mise sur le paritarisme. L’application d’un décret est assurée par un comité paritaire formé de représentants syndicaux et patronaux.

Lors de la présentation du projet de loi à l’Assemblée nationale, le 8 février 1934, le ministre du Travail, Charles-Joseph Arcand résume bien les objectifs de cette nouvelle législation qui vise à juguler la concurrence déloyale et contribue, du même coup, à accroître la légitimité des syndicats et de la négociation collective2 :

«À l’heure actuelle, les ouvriers unionistes veulent des conventions collectives qui garantissent la stabilité des salaires. Des employeurs sont disposés à négocier. Toutefois, ils hésitent, ils se refusent, car ils prévoient de toute évidence qu’ils se placent sur un pied d’infériorité par rapport à leurs concurrents. Comment un entrepreneur peut-il s’engager pour une année à payer ses menuisiers 75 sous de l’heure, alors que ses concurrents ne paient que 60 ou 40 sous? Peuvent-ils, à chance égale, présenter une soumission pour une entreprise à forfait? Évidemment non. Alors, on ne signe plus de contrat de travail, et les organisations ouvrières périclitent, faute de pouvoir protéger leurs membres. Et les employeurs honnêtes ne peuvent plus tenir contre les employeurs rapaces. Il faut donc protéger de toute nécessité la convention collective de travail. Il faut donc que les patrons s’organisent, de même que les ouvriers. Plus de crainte d’une concurrence déloyale; l’État intervient pour la supprimer en obligeant les individualistes à emboîter le pas à la suite des coopérateurs. Est-il vraiment possible pour l’État de mieux favoriser la collaboration du capital et du travail?»

La Loi est un véritable gain pour le mouvement syndical. Il sera en revanche de courte durée. Peu de temps après son adoption, la Loi sera refondue en 1936 et renommée Loi relative aux salaires des ouvriers suivant l’arrivée au pouvoir de Maurice Duplessis. Désormais, le gouvernement s’octroie le droit de modifier ou d’abroger un décret sans consulter les syndicats ou les employeurs. L’année suivante, toute clause d’affiliation syndicale ou d’atelier fermé seront prohibés3.

Toutefois, le retour au pouvoir des libéraux d’Adélard Godbout en 1939 permettra, sous la pression des syndicats, de rétablir en bonne partie les objectifs initiaux de Loi qui prendra l’appellation, en 1940, de Loi de la convention collective. On rappellera alors que le but de celle-ci est d’«adopter, étendre et rendre obligatoires les conditions de travail consignées dans les conventions collectives, tant pour prévenir la concurrence déloyale faite au signataire que pour établir le juste salaire et satisfaire l’équité.»4

Depuis l’attaque du gouvernement Duplessis, la Loi sur les décrets de convention collective a survécu au passage du temps. Cependant, certains événements lui ont fait perdre de son lustre et de sa vitalité comme discuté dans la prochaine section.


Notes de bas de page

1. Ministère du Travail du Québec. (2011). Les 80 ans du ministère du Travail. Au diapason d’une société en évolution. Québec : Bibliothèque nationale du Québec, p.13.; http://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/462.html, consulté le 21 juillet 2021.

2. Assemblée nationale, Débats de l’Assemblée législative, 18e législature, 3e session, vol. 1, séances du 9 janvier au 8 mars 1934, le 8 février, p.202 (M.Arcand); Hennebert, Marc-Antonin, Urwana Coiquaud et Lucie Morissette (2016). Relations de travail. Montréal : Chenelière Éducation, 314p.

3. Rouillard, Jacques. (1989). Histoire du syndicalisme québécois. Montréal : Boréal, p.172.

4. Beaulieu, Marie-Louis. (1955). Les conflits de droit dans les rapports collectifs de travail, Québec : PUL, p.139, cité par Fontaine, Laurence Léa. (2018). « L’histoire de l’extension des conventions collectives au Québec », Le régime des décrets de convention collective au Québec. Quel avenir?, J.Bernier, dir. Montréal : Éditions Yvon Blais, p.27.

Dès son adoption, La Loi sur les décrets de convention collective suscite l’intérêt des syndicats et des employeurs dans les secteurs industriels et commerciaux (construction, chaussure, imprimerie et alimentation)5. Cependant, l’adoption, en 1944, de la Loi des relations ouvrières (LRO), ancêtre du Code du travail, qui crée un véritable régime d’accréditation syndicale par établissement ainsi que l’obligation de négocier de bonne foi, fragilise la loi sur les décrets. En effet, plusieurs grandes entreprises et syndicats ont transféré leur convention collective assujettie au régime des décrets à celui de la LRO, car plus adapté à leur situation6. Et depuis les années 1960, force est de constater un rétrécissement de la couverture des décrets. Parmi les événements les plus importants pour expliquer cette chute, notons le retrait en 1968 de 16 décrets couvrant plus de 100 000 personnes salariées dans le secteur de la construction qui sera désormais régi par la Loi des relations de travail dans l’industrie de la construction. Puis, avec l’adoption de la Loi sur les normes du travail en 1979 qui impose des conditions minimales de travail à l’ensemble des employeurs de la province, la pertinence du régime des décrets est remise en question7.

La LDCC survivra néanmoins à la LNT et sera même modernisée en 1984 à la demande des parties et des comités paritaires. Parmi les modifications introduites, il y a celles visant à interdire à un employeur «de payer un salaire inférieur à celui fixé par décret, à assurer la continuité entre l’ancien et le nouveau propriétaire quant aux sommes dues à un salarié dans le cas d’un changement à la structure juridique de l’entreprise (…), à augmenter le montant des pénalités…»8.

Position de la FTQ

Cependant, quelques années plus tard, en 1988, le Conseil général de la FTQ adopte une résolution d’urgence sur la LDCC. Cette période est marquée par une montée du néolibéralisme. Le gouvernement libéral au pouvoir mande un groupe de travail pour «formuler des recommandations destinées à placer les entreprises du Québec dans une situation au moins aussi avantageuse que celles de l’Ontario en ce qui concerne les conditions réglementaires qui affectent leur productivité.»9. Suivant la publication du rapport de ce comité (dit rapport Scowen du nom du président du Groupe, Reed Scowen, député libéral), la FTQ craint que la LDCC soit abolie comme en fait foi l’encadré ci-dessous.10

Les efforts de la FTQ ont porté fruit dans la mesure où la Loi ne fût pas abolie. Néanmoins, le nombre de décrets a continué à diminuer lentement, mais sûrement. Puis, en 1996, le gouvernement décide de réviser cette pièce législative et en particulier les critères d’évaluation pour émettre ou renouveler un décret. Désormais, le contexte de concurrence internationale, le maintien et la création d’emplois ainsi que les impacts sur la gestion seront pris en considération. Une convention collective ne pourra ainsi faire l’objet d’une extension juridique si elle se traduit par un « inconvénient sérieux pour les entreprises en concurrence avec des entreprises établies à l’extérieur du Québec »,11 si elle nuit à l’emploi et se traduit par un alourdissement de la gestion. Le processus de révision administratif est aussi revu. Le ministre du Travail est mandaté pour faire rapport au gouvernement sur la mise en œuvre de la Loi, exercice qu’il doit mener en collaboration avec le ministère de l’Industrie et du Commerce. Ce dernier est appelé à se prononcer sur la pertinence de maintenir le secteur manufacturier sous la gouverne de la LDCC.

Ces changements traduisent la volonté du gouvernement d’insuffler des critères purement économiques et d’affaires dans une Loi qui vise d’abord et avant tout à octroyer de meilleures conditions de travail à des personnes salariées. Il en résultera l’abolition de 9 décrets entre 1996 et 2000 dont quatre dans le secteur du vêtement (gant de cuir, chemise pour hommes et garçons, confection pour hommes et pour dames) lesquels régissent alors les conditions d’emploi d’environ 23 000 travailleurs et travailleuses.

Cette refonte de la Loi a donc eu pour effet d’éliminer pratiquement tous les décrets dans le secteur manufacturier dans la mesure où le critère de la compétitivité a dominé le processus d’évaluation du régime. Cette évolution témoigne de l’influence politique accrue des associations d’employeurs sur le contenu des lois du travail12.

Depuis, d’autres décrets ont été abolis, le plus récent étant celui des coiffeurs de la région de l’Outaouais. Il reste donc à ce jour plus que 14 décrets de convention collective au Québec dans 8 secteurs (voir le tableau ci-dessous). La FTQ est présente dans 12 de ces décrets dont les trois plus importants sont l’entretien ménager, la sécurité et l’automobile.

Secteurs, régions et syndicats des décrets de convention collective en vigueur en juillet 2021

Secteur Région Syndicat
Décret sur l’enlèvement des déchets solides Région de Montréal Teamsters-106-FTQ; TUAC-501-FTQ
Décret sur l’industrie du camionnage Région de Québec Teamsters-1999-FTQ
Décret sur l’industrie des services automobiles Régions d’Arthabaska, Granby, Sherbrooke et Thetford-Mines CSN; CSD
Décret sur l’industrie des services automobiles Régions de Chapais, de Chibougamau, de Lac-Saint-Jean et du Saguenay CSD
Décret sur l’industrie des services automobiles Régions de Drummond et de la Mauricie Unifor-4511-FTQ; Syndicat national des employés de garage du Québec inc., CSD
Décret sur l’industrie des services automobiles Région de Lanaudière-Laurentides Unifor-4511-FTQ; Syndicat national des employés de garage du Québec inc., CSD
Décret sur l’industrie des services automobiles Région de Montréal Unifor-4511-FTQ; Syndicat national des employés de garage du Québec inc., CSD
Décret sur l’industrie des services automobiles Région de Québec Unifor-4511-FTQ; Syndicat national des employés de garage du Québec inc., CSD
Décret sur l’installation d’équipement pétrolier Tout le Québec Métallos-FTQ
Décret sur l’industrie des matériaux de construction (marbre) Tout le Québec TUAC-501-FTQ
Décret sur l’industrie de la menuiserie métallique Région de Montréal Métallos-FTQ
Décret sur le personnel d’entretien d’édifices publics Région de Montréal UEES-800-FTQ
Décret sur le personnel d’entretien d’édifices publics Région de Québec UEES-800-FTQ
Décret sur les agents de sécurité Tout le Québec Métallos-FTQ

À ce moment-ci, il est légitime de se demande si ce régime de décrets qui survit en parallèle au Code du travail, à la Loi sur les normes du travail et autres lois du travail, est toujours nécessaire et utile pour le mouvement syndical. L’évolution des décrets depuis l’adoption de la Loi tend bien à démontrer que sa couverte se réduit comme peau de chagrin. Au fond, est-il toujours justifié de maintenir ces décrets? Ne serait-il pas préférable pour la FTQ et ses affiliés de mettre leurs énergies sur la syndicalisation de nouvelles unités et la réforme du Code du travail? Pour la FTQ, la réponse à ces questions est sans équivoque comme nous le verrons dans la section suivante.

Une loi toujours d’actualité?

Pour la FTQ, il fait nul doute que la Loi sur les décrets de convention collective demeure une pièce législative majeure pour les relations de travail en tandem avec le Code du travail. Les deux régimes ne sont pas en opposition, mais bien en complémentarité, comme nous le verrons plus en détail dans les sections suivantes (processus d’adoption d’un décret et mythes sur la LDCC).

De plus, la LDCC permet toujours aux syndicats affiliés à la FTQ d’asseoir leur légitimité et leur influence dans de nombreux secteurs d’activités et demeure un outil à la portée des syndicats pour mieux représenter les travailleurs et travailleuses.

En fait, la Loi vise deux objectifs qui sont toujours d’actualité et chers au mouvement syndical et à la FTQ:

  1. Elle assure des conditions de travail décentes aux salariés des secteurs d’activités visés par un décret de convention collective;
  2. Elle atténue la concurrence déloyale entre les entreprises des secteurs très exigeants en termes de mobilités et de qualification de la main-d’œuvre. Elle permet ainsi d’éviter que la compétition entre entreprises ne se fasse sur le dos des travailleurs prévenant du même coup le dumping social.

C’est d’ailleurs pourquoi la FTQ «[…] milite sans réserve pour le maintien et la bonification du régime de décrets de convention collective, en raison de sa capacité à améliorer la situation des travailleurs et des travailleuses vulnérables et à accroître leur participation à la détermination de leurs conditions de travail13». Pour preuve, trois syndicats affiliés avec l’appui de la FTQ ont entamé des démarches pour l’obtention d’un décret :

  • Syndicat des Métallos pour l’industrie de la signalisation des chantiers routiers du Québec;
  • SQEES-298, UES-800, Syndicat des Métallos, Teamsters, Unifor et TUAC pour les résidences pour personnes aînées (RPA);
  • SQEES-298 pour les entreprises d’économie sociale en aide à domicile.

En résumé, la LDCC est née d’une volonté du mouvement syndical et du gouvernement d’apporter une solution aux conditions déplorables des personnes salariées pendant la crise de 1930 en mettant un frein à la concurrence que se livraient les entreprises au mépris des travailleurs et travailleuses. Elle a aussi marqué un premier pas dans l’établissement d’un régime de relations de travail qui reconnaissait des vertus au syndicalisme, à la négociation collective et au paritarisme. La LDCC a ainsi permis à des centaines de milliers de personnes salariées de travailler dans la dignité et a donné l’opportunité aux syndicats de jouer leur rôle d’agent négociateur pour une meilleure justice sociale. Cette mission, la LDCC la remplit toujours depuis maintenant près de 90 ans! La prochaine section permettra de plonger dans la mécanique de la Loi et ainsi de mieux en comprendre les tenants et aboutissants et les avantages pour le mouvement syndical.


Notes de bas de page

5. Fontaine, Laurence Léa. (2018). « L’histoire de l’extension des conventions collectives au Québec », Le régime des décrets de convention collective au Québec. Quel avenir?, J.Bernier, dir. Montréal : Éditions Yvon Blais, p.24.

6. Hébert, Gérard (1990). « Le renouvellement du régime des décrets de convention collective », Relations industrielles, vol. 45, no 2, p.404-413.

7. Supra, note 9, p.31.

8. Supra, note 9, p.32.

9. http://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/3268.html, consulté le 27 juillet 2021.

10. 1988; Procès-verbal; Conseil général de la FTQ, avril, résolution d’urgence, page 2. Récupéré dans Jasmin-Lortie, Vanessa (2009). Répertoire des politiques officielles de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, FTQ, 407p.

11. Loi sur les décrets de convention collective, RLRQ, c. D-2, art. 6, no 2.

12. Vallée, Guylaine et Jean Charest (2001). « Globalization and the Transformation of State Regulation of Labour: the Case of Recent Amendments to the Quebec Collective Agreement Decrees Act”, The International Journal of Comparative Labour Law and Industrial Relations, vol. 17, no 1, 79-91.

13. Côté, Lise (2018), « La LDCC : un outil de lutte contre les inégalités sociales », Le régime des décrets de convention collective au Québec – Quel avenir?, J.Bernier, éd. Montréal : Éditions Yvon Blais, p.73.

On peut distinguer principalement deux types de décrets en relations de travail. La confusion entre les deux peut mener à une évaluation négative des décrets de convention collective alors qu’il devrait en être tout autrement. Faisons la lumière sur cette question en précisant la nature des décrets gouvernementaux et en les différenciant des décrets de convention collective.

Les décrets gouvernementaux nuisibles à la liberté de négociation collective

Un décret se définit comme étant une «Décision réglementaire écrite émanant du pouvoir exécutif14». De par sa nature, il dépouille les parties, en particulier les syndicats, de tout droit à la négociation des conditions de travail de ses membres. L’État impose alors celles-ci au détriment de droits fondamentaux reconnus en droit du travail, celui de la libre négociation et de l’exercice du droit de grève. Certains se rappelleront amèrement les décrets de 1982 (voir l’encadré 1 ci-dessous) ou plus récemment la loi 142 (2005) qui décréta, notamment, les augmentations de salaire accordées aux employés de l’État15.

Les décrets de 1982-1983

1982-1983
Imposition par décret gouvernemental des conditions de travail des employés des secteurs public et parapublic

Un an avant l’échéance de la convention collective, le gouvernement impose les salaires des employés de l’État et leurs conditions de travail à coups de décrets. Il va jusqu’à suspendre la Charte des droits et libertés de la personne pour forcer les enseignants à retourner au travail et à accepter ses conditions. La défaite des syndicats des secteurs public et parapublic qui étaient à l’avant-garde du mouvement syndical jusque là, marque l’entrée dans une nouvelle époque où ils sont acculés à la défensive.

Source : La ligne du temps CRHA : http://lignedutemps.org/#

Ce type de décrets est naturellement décrié par la FTQ, car ils superposent à la négociation libre une détermination unilatérale des conditions de travail. Un droit que s’octroie l’État lorsqu’il porte les habits de l’employeur.

Les décrets qui soutiennent la négociation collective

À l’inverse, un décret de convention collective se comprend comme « une convention collective étendue juridiquement qui lie des employeurs et des salariés syndiqués ou non œuvrant dans un secteur d’activité spécifique dans une région donnée. Les dispositions d’un décret sont d’ordre public et, en conséquence, on ne peut y déroger. »16

Exemple de renouvellement d’un décret de convention collective

« Le Décret modifiant le Décret sur les agents de sécurité touche environ 22 500 travailleurs et quelque 215 employeurs, qui sont respectivement représentés au sein du Comité paritaire des agents de sécurité par le Syndicat des Métallos, section locale 8922 de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), et par l’Association provinciale des agences de sécurité.

Les modifications proposées permettent, entre autres, une hausse salariale moyenne de 1,66 % par année jusqu’en juillet 2022, la création d’un régime enregistré d’épargne-retraite collectif, l’ajout d’une semaine de congé ainsi que la rémunération des congés de maladie. »17

Ce type de décret est reconnu comme pleinement légitime par la FTQ, car il s’appuie sur une négociation entre la partie patronale et syndicale en vue d’octroyer de meilleures conditions de travail aux salarié(e)s d’un secteur d’une région donnée.


En somme, contrairement à un décret gouvernemental qui vise à imposer des conditions de travail, les décrets de convention collective ont pour effet d’étendre certaines dispositions d’une convention collective négociée18 entre un ou des syndicats et un employeur ou une association d’employeurs à tous les salariés et employeurs d’un secteur d’activité et dans une région déterminée. Ces derniers viennent donc appuyer le droit à la négociation, notamment dans les secteurs caractérisés par une vive compétition qui a pour effet de freiner les gains syndicaux.

Qui est couvert par un décret de convention collective?

Partant de la définition ci-dessus, le décret de convention collective couvre les personnes salariées d’un secteur et d’une région donnée suivant une négociation entre un ou des employeurs ou un ou des syndicats. Mais est-ce qu’il s’applique uniquement aux entreprises et aux travailleuses et travailleurs syndiqués comme c’est le cas pour une négociation de type «pattern bargaining» ou coordonnée?

La réponse est non et c’est ce qui fait justement la particularité de la LDCC. Dès qu’une convention collective fait l’objet d’une extension juridique en vertu de la Loi, toutes les entreprises du secteur et de la région visés doivent respecter les conditions de travail minimales prévues au décret (salaires, primes, temps de travail…) que leurs salarié(e)s soient représentés ou non par un syndicat.

Le décret de convention collective se veut ainsi un régime hybride entre le Code du travail et la Loi sur les normes minimales du travail comme l’illustre le tableau ci-dessous.

Principales distinctions entre la Loi sur les normes du travail, la Loi sur les décrets de convention collective et le Code du travail

Loi sur les normes du travail Loi sur les décrets de convention collective Code du travail
Champ d’application Provincial : Toutes les personnes salariées assujetties, syndiquées ou non, travaillant pour une entreprise de juridiction provinciale Sectoriel : Toutes les personnes salariées, syndiquées ou non, travaillant dans un secteur et une région déterminée, assujetties à un décret de convention collective Organisationnel (unité d’accréditation): Groupe de salariés syndiqués compris dans une unité d’accréditation le plus souvent au sein d’un établissement d’une entreprise
Mode de détermination des conditions de travail Imposées par voie législative Régime mixte de négociation entre les parties syndicale et patronale, suivi d’une intervention de l’État Négociation collective entre les parties syndicale et patronale
Conditions de travail Normes minimales provinciales Normes minimales sectorielles supérieures à celles prévues à la LNT Conditions de travail supérieures à celles prévues à la LNT et le plus souvent aux décrets, sauf exception

Comme évoqué dans le tableau ci-dessus, rien n’empêche un syndicat de négocier de meilleures conditions de travail dans les établissements syndiqués.

Quel est le processus menant à l’adoption d’un décret de convention collective?

L’extension d’une convention collective en décret n’est pas un processus automatique. Il doit passer par une série d’étapes et d’évaluations qui relèvent du ministre du Travail selon des critères définis19. Nous décrirons ci-dessous le processus d’adoption d’un nouveau décret comme prescrit par la Loi tout en sachant que d’autres processus coexistent reflétant une pratique historique dont la légitimité est reconnue20.

  • Un syndicat et un employeur ou une association d’employeurs négocient une convention collective;
  • Une fois ratifiée, toute partie à la convention collective (syndicat ou employeur) peut demander au gouvernement l’extension de cette entente, ou une partie de celle-ci, à l’ensemble d’une industrie dans une région donnée. La demande doit être acheminée au ministre du Travail avec une copie de la convention qui tiendra lieu de décret et le cas échéant, la convention collective sur laquelle est fondée celle-ci.
  • Le ministre peut alors demander aux parties tous les renseignements jugés utiles pour lui permettre d’évaluer la demande. La recevabilité de celle-ci est évaluée suivant une analyse préliminaire des critères précisés aux articles 6, 9 et 9.1 de la Loi. Parmi les principaux, mentionnons :
    • Le caractère approprié du champ d’application du décret (secteur, région…). Sera alors évaluée la nature du travail, des produits et des services, des caractéristiques du marché visé par la demande et du champ d’application des autres décrets;
    • Les dispositions du décret ont acquis une signification et une importance prépondérante pour l’établissement des conditions de travail;
    • Le décret peut être étendu sans inconvénient sérieux pour les entreprises en concurrence avec celles établies à l’extérieur du Québec;
    • Le décret n’a pas pour effet de nuire, de façon sérieuse, au maintien et au développement de l’emploi dans le champ d’application visé;
    • Les dispositions prévues n’ont pas pour effet d’alourdir indûment la gestion des entreprises par l’introduction d’une classification des opérations ou différentes catégories de salariés.
  • Si le ministre juge la demande irrecevable, il doit en informer la partie demanderesse de son intention et des motifs au soutien de sa décision. Il doit aussi donner l’occasion à celle-ci de présenter ses observations et produire, s’il y a lieu, des documents pour compléter ladite demande.
  • Dans l’éventualité où le ministre juge la demande recevable, il fera publier dans la Gazette officielle du Québec un avis de réception de celle-ci et le projet de décret s’y rapportant. L’avis devra aussi être publié dans un journal de langue française et anglaise au frais du demandeur. Toute objection au projet de décret doit être formulée dans les 45 jours de sa publication.
  • Au terme de ce délai, le ministre
    • Informe le demandeur par écrit qu’il ne recommande pas l’approbation de la demande par le gouvernement en indiquant les motifs de sa décision
      OU
    • Recommande au gouvernement de décréter l’extension de la convention, avec modifications, le cas échéant, après examen attentif des critères mentionnés au point 3 ci-dessus.
  • Le décret entre en vigueur à compter du jour de sa publication à la Gazette officielle du Québec ou à la date ultérieure qui y est fixée. Un comité paritaire doit alors être créé.

Bien que certains délais soient prescrits dans la Loi, notamment pour la publication d’un avis de réception et de demande de projet de décret, l’expérience des syndicats affiliés à la FTQ démontre qu’il peut prendre plusieurs mois, voire années pour l’adoption d’un décret ou encore sa révision. La Loi ne précise aucun délai au gouvernement pour le traitement des requêtes.

Processus de requête d’un décret de convention collective prévu à la Loi sur les décrets de convention collective

Figure à venir.

Quelles sont les clauses typiques d’un décret de convention collective?

Bien qu’on observe des variations d’un décret à l’autre, le plus souvent, les clauses de la convention collective qui feront l’objet d’une extension juridique sont celles portant sur :

  • Les salaires et primes;
  • Les congés;
  • Les périodes de repos et pauses;
  • La durée et l’aménagement du temps de travail.

Pour certains décrets, on peut aussi trouver des dispositions relatives à un régime d’assurances collectives et/ou de retraite. Voici quelques exemples des principales conditions de travail que l’on retrouve dans certains décrets où la FTQ est présente.

Quelques conditions de travail dans les secteurs sous décrets où la FTQ est présente

Secteur de l’entretien des édifices publics – région de Montréal

  • Des salaires variant de 18,62$ à 19,55$, sans compter les primes de chef d’équipe de 2%.
  • Des clauses touchant la durée du travail et l’aménagement du temps de travail.
  • Un régime de retraite collectif alimenté avec les contributions de l’employeur.

Agents et agentes de sécurité

  • Un salaire de base de 18,34$ à 18,59$ de l’heure (2020) et des primes de chef d’équipe de 0,25$ de l’heure.
  • Un régime enregistré d’épargne-retraite collectif financé par une contribution obligatoire de l’employeur de 0,10$ de l’heure.
  • Paiement des uniformes par l’employeur.

Industrie du camionnage

  • Selon la catégorie d’emploi, le salaire le plus bas est de 13,65$ et le salaire le plus élevé est de 21,20$.
  • Assurance-groupe (35$ par semaine).
  • Primes et indemnités diverses (ex.: périodes de disponibilité rémunérées, divers congés sociaux), mais pas de régime de retraite.
Source : Côté, Lise. Loi sur les décrets de convention collective: aperçu, enjeux et perspectives, présentation au Collègue FTQ.

Qui surveille l’application d’un décret? La CNESST? Le TAT?

Ni l’un ni l’autre. L’application et la surveillance d’un décret relèvent d’un comité paritaire.

Ce comité est formé à parts égales de représentants des syndicats et des employeurs.
À cette fin, le comité dispose, notamment, des pouvoirs suivants :

  • Procéder à des inspections dans tout lieu de travail ou établissement de tout employeur visé par un décret en vue d’assurer son application;
  • Exercer des recours en vertu du décret en faveur des salariés;
  • Recouvrer de l’employeur qui viole les dispositions d’un décret relatives au salaire une somme égale à 20% de la différence entre le salaire obligatoire et celui qui a été effectivement payé.

La Loi confère d’autres pouvoirs au comité tel qu’aviser et informer les salariés et les employeurs des conditions de travail du décret et leur exiger une cotisation pour s’autofinancer.


En somme, un décret de convention collective s’appuie sur une négociation entre les parties patronale et syndicale. La LDCC s’inscrit ainsi dans les principes fondateurs des relations de travail puisqu’elle cadre la détermination des conditions de travail dans une logique d’action collective où un syndicat accrédité négocie avec un employeur. Elle confie en plus des pouvoirs importants aux parties prenantes en leur permettant de veiller elles-mêmes à l’application et la surveillance de leur décret. L’État intervient seulement pour évaluer la pertinence d’adopter un décret dans un secteur.


Notes de bas de page

14. Assemble nationale du Québec, Encyclopédie du parlementarisme québécois, Décret – Assemblée nationale du Québec (assnat.qc.ca), consulté le 21 juillet 2021.

15. http://www.ledevoir.com/opinion/idees/457392/secteur-public-quebecois-des-conditions-salariales-sous-pression-depuis-35-ans

16. Secrétariat du travail, http://www.travail.gouv.qc.ca/faq/decrets-de-convention-collective/, consulté le 13 juillet 2021.

17. http://www.newswire.ca/fr/news-releases/decrets-de-convention-collective-le-ministre-jean-boulet-annonce-l-adoption-des-modifications-proposees-au-decret-sur-les-agents-de-securite-887994593.html

18. Sauf exception du secteur automobile. Dans ce cas particulier, les parties négocient sur la base du décret existant. « Cette pratique est le fruit d’une tradition qui s’est développée au sein d’un comité paritaire et est parfois rendue nécessaire en raison du fait que le décret assujetti plusieurs types d’entreprises dont la réalité ne pouvait être prise en compte dans le contexte d’une négociation traditionnelle au sens du Code du travail ». Source : Travail Québec (2014). Rapport sur la consultation relative à la Loi sur les décrets de convention collective, Juin, p.7. http://www.travail.gouv.qc.ca/fileadmin/fichiers/Documents/decrets_cc/Rapport_sur_la_revision_de_la_LDCC.pdf, consulté le 13 juillet 2021.

19. Il est à noter qu’un processus de renouvellement de décret de convention collective suit une démarche différenciée qui n’est pas précisé aussi clairement dans la Loi.
20. Voir explications, Supra, note 20.

Dans cette dernière partie, nous nous attaquerons à certains mythes véhiculés sur la LDCC et les décrets de convention collective. Faut-il rappeler que certaines organisations, dont la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, militent sans relâche pour faire abolir ce régime de relations de travail ? Certains syndicats émettent aussi des craintes en regard de la Loi et ses effets sur la syndicalisation. Nous proposons ici de répondre à trois mythes fréquemment soulevés lorsqu’il est question des décrets. Nous terminons cette section en relevant les avantages de ceux-ci pour les différentes parties prenantes.

Mythes à déconstruire sur les décrets de convention collective

Nous examinons ici trois mythes persistants relativement aux décrets de convention collective. Nous démontrerons que cette Loi est toujours d’actualité, ne nuit pas à la syndicalisation ni à la compétitivité des entreprises.

Mythe numéro 1 – La Loi sur les décrets de convention collective est archaïque et déphasée avec les réalités économiques d’aujourd’hui.

Malgré le fait que la Loi sur les décrets de convention collective a été adoptée en 1934, plusieurs secteurs, dont celui des services, se caractérisent par des réalités qui ont justifié l’adoption de la Loi :

  • Des conditions de travail difficiles et des salaires peu élevés;
  • La présence d’une majorité de PME où la syndicalisation est difficile;
  • Une omniprésence du travail atypique et de conditions de travail précaires;
  • Une concurrence vive entre les entreprises.

La Loi pourrait ainsi permettre d’établir des standards plus décents dans les secteurs comme l’aide à domicile et les résidences pour personnes aînées. Dans ce contexte, la déclaration suivante de Charles-Joseph Arcand, ministre du Travail lors de la l’adoption de la LDCC demeure étonnamment contemporaine :

« Sous l’aiguillon de la concurrence, les employeurs désireux de réduire leurs prix de revient luttent entre eux à coup de réduction successive des taux de salaire. Le salaire n’est pas le seul élément de la concurrence. (…) L’expérience a révélé, toutefois, qu’on s’attaque surtout à l’élément salaire, qui est le plus compressible. Ce régime de la concurrence a ses avantages, mais il conduit à de graves abus. Le salaire a un aspect économique mais, ne l’oublions pas, il a aussi un aspect familial et social; c’est par lui que l’homme gagne sa vie et celle des siens et il ne peut, sans que la justice ne soit violée, descendre à un niveau que réprouve la dignité humaine21. » (nos gras).

Mythe numéro 2 – En octroyant des conditions minimales qui découlent d’une convention collective à l’ensemble des personnes salariées, mêmes non-syndiquées, d’un secteur, on nuit à la syndicalisation

Au contraire!

D’abord, la Loi sur les décrets de convention collective s’appuie sur le Code du travail22. Une demande d’adoption d’un décret ne peut être formulée que par une partie à une convention collective au sens du Code du travail. La partie syndicale contractante doit nécessairement être une association de salariés accréditée.

De plus, un syndicat qui cherche à octroyer de meilleures conditions de travail à toutes les personnes salariées, y compris les non-syndiquées, et s’assure de faire respecter leurs droits par l’entremise du comité paritaire peut contribuer à donner aux travailleurs une première expérience syndicale positive. Or, il est connu que parmi les facteurs qui contribuent au succès d’une campagne de syndicalisation celui d’avoir vécu une expérience favorable avec un syndicat joue un rôle déterminant.

Troisièmement, un décret de convention collective définit des normes minimales sectorielles. Si elles sont plus avantageuses que celles proposées par la LNT, celles prévues dans une convention collective se distinguent avantageusement de deux façons:

  • La convention collective contient généralement plus de clauses qu’un décret couvrant autant de sujets qui reflètent les conditions particulières d’une entreprise;
  • La convention collective est généralement plus avantageuse eu égard aux conditions de travail qu’il s’agisse par exemple des salaires, des avantages sociaux et des congés.

Il faut enfin voir le décret comme un levier de négociation. En relevant le plancher minimum des normes du travail au-dessus de la Loi sur les normes du travail, un décret permet à la partie syndicale de négocier des avantages supérieurs pour ses membres. De plus, les décrets viennent faciliter la négociation collective dans les secteurs où la concurrence entre les entreprises est vive. Autrement, ce serait impossible pour un syndicat de réaliser des gains durables si ceux-ci se traduisent pour l’entreprise par des coûts de main-d’œuvre trop élevés par rapport aux concurrents.

Mythe numéro 3 – La Loi sur les décrets de convention collective nuit à la concurrence et à la compétitivité des entreprises

Cette affirmation peut difficilement s’avérer dans la mesure où la Loi prévoit deux mécanismes pour assurer le maintien de la concurrence :

  1. Les conditions de travail qui font l’objet d’une extension sont négociées par les parties patronales et syndicales qui connaissent les réalités de leur secteur d’activité;
  2. Le ministre du Travail doit procéder à une analyse d’impacts économiques et s’assurer que le décret n’a pas d’inconvénients sérieux pour les entreprises en concurrence avec des entreprises établies à l’extérieur du Québec et ne nuit pas à l’emploi dans le champ d’application visé;

La Loi n’empêche donc pas les entreprises de se faire concurrence, mais celle-ci ne doit pas s’exercer sur les salaires des personnes salariées et autres conditions de travail prévues au décret.

Les avantages de la Loi sur les décrets de convention collective

La Loi sur les décrets convention collective fait partie des outils à la disposition des syndicats pour remplir leur mission première : défendre les intérêts et les droits des travailleurs et des travailleuses. Cette Loi offre donc plusieurs avantages et opportunités à la fois pour les syndicats et les travailleurs et travailleuses, parmi ceux-ci les femmes et les personnes immigrantes.

Concrètement, la Loi et les décrets qui en découlent permettent aux syndicats :

  • D’accroître leur influence dans un secteur :
    • En négociant des conditions de travail minimales pour tous les travailleurs et travailleuses d’un secteur, luttant ainsi contre les inégalités sociales;
    • En participant à la surveillance et l’application du décret via un comité paritaire;
    • En prenant part avec la partie patronale au sein du comité paritaire à des échanges portant sur les enjeux d’un secteur tels que la formation professionnelle.
  • De renforcer leur pouvoir syndical :
    • En solidifiant leur présence dans des secteurs difficiles à syndiquer (plusieurs PME, emplois précaires, fortement intensifs en main-d’œuvre…);
    • En limitant les effets néfastes de la sous-traitance par l’application d’un décret à l’ensemble des acteurs patronaux d’un secteur;
    • En limitant le dumping social par la négociation d’une convention collective qui fera l’objet d’une extension juridique à tout un secteur écartant ainsi les entreprises qui tablent sur des conditions de travail médiocres pour entrer en compétition avec les autres entreprises syndiquées.

Pour les travailleurs et les travailleuses, les décrets comportent de nombreux avantages dont :

  • L’accès à des conditions de travail supérieures aux normes minimales du travail;
  • La possibilité d’obtenir des avantages sociaux comme c’est le cas pour certains décrets;
  • La capacité de faire respecter leurs droits via une instance de proximité qui prend en charge les plaintes, le comité paritaire;
  • L’accès à une meilleure insertion professionnelle en permettant à des femmes et des personnes immigrantes dans les secteurs des services en particulier de bénéficier de conditions de travail décentes.

La Loi sur les décrets de convention collective peut s’avérer tout aussi avantageuse pour les employeurs et le gouvernement.

En ce qui concerne les employeurs, les décrets :

  • Favorisent l’attraction et la rétention de la main-d’œuvre en offrant des conditions de travail supérieures aux normes minimales dans des secteurs qui souffrent d’une pénurie de main-d’œuvre;
  • Permettent aux donneurs d’ouvrage d’évaluer et de comparer les soumissions dans le secteur des services sur d’autres critères que les coûts de main-d’œuvre23;
  • Favorisent la stabilité et la prévisibilité des relations de travail en fixant les conditions de travail pour une période donnée;
  • Permettent d’offrir un salaire décent et de la formation qui se traduisent par une hausse de la productivité, une baisse de l’absentéisme et une diminution du taux de roulement selon l’Association des comités paritaires24;
  • Forcent les entreprises à se détourner d’une stratégie de bas salaire pour en adopter une axée sur l’innovation, la formation, la productivité et la qualité.

Enfin, pour le gouvernement, le régime des décrets de convention collective :

  • Favorise un dialogue social qui permet l’atteinte d’un consensus tout en favorisant une participation démocratique des différentes parties prenantes.
  • Permet de lutter contre le travail illégal25;
  • Respecte les grandes lignes de notre régime de relations de travail fondé sur l’autonomie collective26 en permettant à l’État de jouer un rôle d’« arbitre » (en autorisant l’extension juridique des conventions collectives) sans s’immiscer dans les relations entre les parties patronale et syndicale toujours responsables de négocier les conditions de travail.

Notes de bas de page

21 Assemblée nationale, Débats de l’Assemblée législative, 18e législature, 3e session, vol. 1, séances du 9 janvier au 8 mars 1934, le 8 février, p.202 (M.Arcand).

22 Sauf exception du secteur automobile, voir explications, Supra, note 20.

23 Travail Québec (2014). Rapport sur la consultation relative à la Loi sur les décrets de convention collective, juin, p.6. http://www.travail.gouv.qc.ca/fileadmin/fichiers/Documents/decrets_cc/Rapport_sur_la_revision_de_la_LDCC.pdf, consulté le 13 juillet 2021.

24 Supra, note 17, p.65.

25 Bernier, Jean (2018). « Vers un véritable régime d’extension des conventions collectives », Le régime des décrets de convention collective au Québec – Quel avenir?, J.Bernier, éd. Montréal : Éditions Yvon Blais, p.129.

26 Verge, P., Trudeau, G., & Vallée, G. (2006). Le droit du travail par ses sources. ÉditionsThémis; Arthurs, H. W. (1996). Labour law without the state. U. Toronto LJ, 46, 1.

En somme, pourquoi se porter à la défense des décrets de convention collective? Parce que la LDCC agit comme un levier pour permettre aux syndicats d’assumer les rôles qui en font un acteur incontournable sur la scène sociale, politique et économique. Autrement dit, elle fournit l’occasion aux syndicats :

  • D’assumer un rôle social: La LDCC malgré ses 87 ans demeure utile pour encadrer les dérives du libéralisme économique en limitant la concurrence entre les entreprises à d’autres facteurs de production que celui du travail. Elle permet ainsi de lutter contre les inégalités et de mettre en application l’un des principes fondamentaux de l’Organisation internationale du Travail spécifiant que le travail n’est pas une marchandise27;
  • D’assumer un rôle de négociation et de régulation: La LDCC permet aux syndicats de participer à la négociation des conditions de travail des travailleurs et travailleuses, syndiqués ou non, d’un secteur d’activité. Elle favorise ainsi l’autonomie collective tout en s’appuyant sur le paritarisme pour l’administration et la surveillance des décrets;
  • D’assumer un rôle économique: La LDCC permet aux syndicats d’assurer une vigie et d’exercer une influence sur l’évolution d’un secteur d’activité en échangeant sur une base régulière avec les employeurs via le comité paritaire.

La Loi sur les décrets de convention collective est un legs institutionnel que le mouvement syndical doit préserver. C’est pourquoi la FTQ et ses syndicats affiliés se portent à la défense de ce régime des rapports collectifs qui contribue à la justice sociale.


Notes de bas de page

27. Constitution de l’OIT : http://www.ilo.org/dyn/normlex/en/fp=1000:62:0::NO::P62_LIST_ENTRIE_ID,P62_LANG_CODE:2453907,fr:NO, consulté le 22 juillet 2021.

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