Grand dossier : La vie chère
L’habitation ne se porte pas bien
Dans ce dossier spécial, Le Monde ouvrier a choisi de braquer les projecteurs sur la crise de la vie chère : non seulement pour démystifier ces raccourcis faciles, mais pour explorer des solutions ambitieuses et nécessaires face à une situation aussi déplorable. Car il ne s’agit pas seulement de logements, mais d’un modèle de société qui dérape.
L’habitation ne se porte pas bien
Au moment d’écrire ces lignes, l’Indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 2% en août 2024 comparativement à août 20231. Même si cela peut sembler encourageant, les ménages locataires n’ont pas connu de répit face à l’inflation. En effet, les prix des loyers ont augmenté de 8,6% sur la même période. Le taux d’inoccupation demeure très bas dans la plupart des villes du Québec, particulièrement pour les loyers abordables.
Chaque année, le 1er juillet est de plus en plus difficile avec de nombreux ménages incapables de se trouver un logement. Les campements de personnes en situation d’itinérance se multiplient et certaines municipalités n’ont d’autre réponse que de les démanteler alors que ces personnes n’ont nulle part où aller.
Comme le constate Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), la crise du logement a progressivement pris des proportions de plus en plus alarmantes. « Avant même la crise des dernières années, il y avait déjà des milliers de ménages locataires qui vivaient une crise mois après mois, rappelle-t- elle. Ce n’est pas nouveau, mais ce qui est particulier c’est que, dans toutes les régions du Québec, il y a des pénuries. Cette rareté extrême vient mettre une pression importante et ça appauvrit des locataires qui se pensaient à l’abri. Compte tenu de l’absence d’un contrôle obligatoire des loyers, on voit le prix des loyers augmenter en flèche. On voit des ménages discriminés qui n’ont plus accès au logement et c’est sans compter les rénovictions qui se multiplient. »
Chantal Bertrand est conseillère régionale à la FTQ dans les régions de Lanaudière et des Laurentides. En l’espace de quelques années, elle a vu la situation se détériorer et l’itinérance exploser, particulièrement à Saint- Jérôme où se trouve le conseil régional FTQ. « Les personnes qui perdent leur appartement n’ont plus beaucoup de possibilités pour se reloger, explique-t-elle. Les appartements en deçà de 1 500 $ par mois n’existent presque plus dans les Laurentides et le marché des maisons à vendre est devenu exorbitant. Dans le stationnement près de notre bureau, une mère a dû rester dans sa voiture avec ses deux enfants parce qu’elle n’arrivait pas à trouver un appartement à la hauteur de son budget. Cette crise de l’itinérance touche tout le monde, ce n’est plus juste ceux et celles qui ont des problèmes de consommation ou de santé mentale. »
Il y a moins de logement qu’avant!
Faux. Selon l’IRIS, l’offre résidentielle a augmenté au même rythme que celle de la population, malgré une diminution de l’accès et de l’abordabilité au logement locatif principalement pour les ménages à faibles et modestes revenus.
Après avoir nié son existence, le gouvernement de la CAQ a finalement reconnu du bout des lèvres qu’il y avait bel et bien crise. Pourtant, cette reconnaissance tardive ne s’est pas traduite par des mesures structurantes. Selon les personnes rencontrées par les dirigeants de la FTQ cet été, le dernier budget n’a pas suffisamment entraîné de hausses d’investissements pour le logement social et communautaire. On a même assisté à des reculs avec la fin du programme AccèsLogis qui visait la construction de logements sociaux ou la fin des cessions de bail avec l’adoption du projet de loi no 31, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation.
« Le gouvernement doit se réveiller et comprendre, exhorte Alexandre Cadieux, coordonnateur du Comité logement Bas- Saint-Laurent. Ce n’est pas idéologique, c’est humain. Le monde, y’en peuvent plus. Chaque jour, je reçois un appel avec quelqu’un qui a des idées noires. Pas juste en détresse. Ces personnes ont des idées suicidaires et parlent que ça va finir là. »
1. Calculs FTQ, Statistique Canada, Indice des prix à la consommation mensuel, non désaisonnalisé, Tableau 18-10-0004-01